Charles Lamb – Essais
d'Elia (1823)
Crédulité I
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les enfants
croyaient si fort au Père Noël ? Au point que parfois, même détrompés par
leurs ainés, ils préfèrent fermer leurs oreilles à leurs ricanements et
continuer à sauter de joie à chaque fois qu’ils en rencontrent un devant un
Grand magasin ?
On peut imaginer qu’ils savent que le Père Noël n’existe
pas avant même qu’on le leur ait dit officiellement – mais qu’ils espèrent que la toute-puissance
du Père Noël les protègera de la radinerie bougonne de leurs parents :
c’est quand même sécurisant de penser que, lui au moins, ne dit jamais non.
Mais… Nos enfants sont-ils si calculateurs ?
Auraient-ils lu et adapté le Pari de Pascal ?
- Si je parie que le Père Noël n’existe pas, voici les avantages que j’en aurais ;
si je parie qu’il existe, voilà les gains que je pourrais en espérer.
C’est qu’en fait nous ne savons plus comment fonctionne
l’esprit d’un enfant, ni pourquoi il croit si fort ce qu’on lui dit. La
crédulité est pour lui un mode de fonctionnement normal, une façon
d’appréhender la réalité. Quand vous lui dites : « Fais
attention ! Ne touche pas la casserole, tu vas te brûler ! » pourquoi
vous croie-t-il ? Simplement parce que la foi qu’il a en vos paroles est
le moyen normal d’accéder au réel.
Il croit que le Père Noël existe, comme il croit que la casserole brûle. On dira
qu’il peut vérifier qu’elle brûle effectivement et que s’il tire la barbe du
Père Noël dans la Galerie marchande, il verra bien qu’elle ne tient qu’avec un
élastique. Certes ; mais le plus souvent il ne le fait pas : il admet
sans vérification que la casserole est trop chaude pour qu’on y touche.
Est-ce tout ? Non bien sûr. Car la crédulité
enfantine ne fait qu’un avec son pouvoir d’imaginer : ce que les adultes
lui annoncent, ce n’est pas seulement la réalité ; ce sont aussi de belles histoires qui ouvrent son
imaginaire au féérique et qui enchantent le monde.
La crédulité est peut-être une faiblesse pour l’homme, parce
qu’il a d’autres moyens d’accéder à la réalité. Malgré cela, être
incrédule, c’est refuser d’ouvrir dans notre esprit la porte du merveilleux.
A suivre.
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