N'importe quel objet peut être un objet d'art pour peu
qu'on l'entoure d'un cadre.
Boris Vian
Je vois deux sens possibles pour cette pensée de
Vian :
- D’abord, la plus évidente : l’art n’est qu’une
convention, il suffit de l’installer dans une galerie d’art ou dans un musée
pour que n’importe quelle croute, n’importe quelle platitude devienne
instantanément admirable et sujette à gloses.
Je pense par exemple à Rousseau qui enseigne à Emile à
mépriser cet effet de la convention en lui faisant encadrer ses dessins, de
telle sorte que les premières ébauches malhabiles soient pourvues d’un volumineux
cadre doré, et que la forme la plus aboutie de son dessin soit dépourvue de ce
luxe.
Dans un autre domaine, je pense aussi aux poèmes dont le
seul contenu est l’obscurité et qui sont pour cela l’objet d’admiration (voir
par exemple ici).
- Mais on peut aussi dire que l’objet d’art dépend du
regard qu’on porte sur lui. C’est ainsi qu’un tas de charbon dans un coin d’un
Musée, tout comme un urinoir, peut apparaitre comme un objet d’art.
Je ne veux pas dire que ce soit systématiquement inepte.
L’objet quotidien, même l’objet manufacturé peut être artistique s’il est
considéré comme une forme dépouillée de sa fonction habituelle – telle est
l’ambition des ready-mades. La question est alors de savoir comment susciter ce
regard : faut-il un lieu spécial, comme un musée ou une Galerie
d’art ? Faut-il comme le dit Vian lui ajouter un encadrement ?
Je suis enclin à le suivre sur ce point : comme le
montre cette photo prise à la réderie d’Amiens (1), le lieu importe peu, mais
le cadre est quand même utile.
Réderie d’Amiens
(Cliché J-P Hamel)
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(1) La réderie (= braderie en dialecte picard) a lieu
deux fois par ans, fin avril et début octobre. On peut y trouver des choses
passionnantes, mais il est recommandé d’être bien chaussé.
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