La ripaille est la fête de l'affamé comme l'évasion est
la fête du prisonnier et l'insurrection la fête de l'opprimé.
Roland Escarpit
Alors que je m’apprêtais à rédiger mon 7ème
billet du 31 décembre (comme le temps passe !), j’ai été pris d’un
doute : ai-je une fois, une seule fois, dit comment il convient de faire
la fête un 31 décembre ? Non – Jamais, pas une seul fois. Au lieu de cela,
des considérations plus ou moins salutaires sur l’utilité de la fête, mais
jamais sur sa méthodologie.
Car il y a, on le voit bien avec Roland Escarpit une méthodologie de la fête.
La fête consiste à s’adjuger – souvent avec excès – ce
qui justement, nous manque : la ripaille pour l’affamé, l’évasion pour le
prisonnier, l’insurrection pour l’opprimé.
Ce soir donc, inutile de convoquer vos amis en leur
promettant qu’on va s’en fourrer jusque
là (1) s’ils ne sont pas affamés ni assoiffés.
En tout cas, si vous leur promettez de les abreuver d’alcool,
assurez-vous d’abord qu’ils ont le vin gai. Inutile de faire dégénérer votre
soirée en rixe, sauf à considérer que c’est cela qu’il vous faut.
Je devine que certains d’entre vous se proposent de faire
de leur réveillon une soirée très spéciale avec mets aphrodisiaques, lumières
tamisées et matelas jetés dans les coins sombres : très bien, ça marche.
Qui donc ne s’estime pas en carence amoureuse ? Mais vérifiez aussi que
vos invités soient suffisamment motivés pour tenir la nuit entière. Imaginez le
mari épuisé qui s’énerve parce que sa Dulcinée remonte, infatigable qu’elle
est, pour la 10ème fois au 7ème ciel – alors que lui
vient de se louper lamentablement avec la voisine…
Mais bon ! Que
tout cela est minuscule ! Faites donc un réveillon à thème, mais
choisissez plutôt ce que suggère Escarpit.
Voici comment rédiger vos cartons d’invitations :
« Ce soir,
chez moi (ici ajoutez votre adresse) : Evasion collective. Nous jetterons la télé par la fenêtre, nous
déchirerons notre carte d’électeur et puis nous consommerons des petites
pilules très efficaces pour voir le monde autrement. »
Ou bien :
« Réveillon
anti-pouvoir. Apportez les drapeaux
noirs et les pancartes, et retrouvons-nous devant la Préfecture (ou :
le Commissariat – ou, si vous êtes parisien, indiquez le ministère qui vous
convient le mieux). Sur les pancartes,
vous aurez écrit « Ni Dieu ni
Maître » ou quelque slogan plus précis. Evitez quand même les battes
de baseball – comme ça quand la police nous aura alpagués, nous finirons tous ensemble
en cellule de dégrisement, ce qui nous permettra de continuer entre nous notre
fête spéciale-insurrection. »
Amusez-vous bien !
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(1) Comme le dit le Brésilien de la Vie parisienne évoqué ici.
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