De Démocrite : qui voudrait avoir un enfant ferait mieux, à mon avis, d’adopter le fils d’un de ses amis. Ainsi aura-t-il un enfant conforme à son désir ; car il le choisira tel qu’il voudra. […] si l’on en a un de soi … on est forcé de le prendre tel qu’il est.
Stobée – Florilège
IV, XXIV, 32
Faut-il faire des
enfants ?
Démocrite est le philosophe qui a mis à mal non seulement
l’Olympe, en décrivant le monde comme étant gouverné par le hasard et la
nécessité (1), mais qui a en plus porté atteinte à la pensée-bien-pensante (du
moins à la nôtre).
Que nous dit en effet notre philosophe ? Qu’il ne
faut pas faire d’enfant, parce qu’il vaut mieux les prendre déjà faits, et si
possible à un âge suffisant pour qu’il soit possible de savoir s’ils
conviennent à l’espoir que nous mettons dans notre descendance.
Vous voulez avoir l’enfant de vos rêves ? Bien. Mais
même avec une top-modèle qui mesure 1,80 mètres avec des yeux myosotis et un
corps de déesse ; même avec un prix Nobel – pour être sûr que le rejeton
fera péter les tests de QI (2) : ça ne marche pas !
Soyez sérieux – ne faites pas n’importe quoi : prenez
donc l’enfant tout fait ! Vous saurez au moins quel est son sexe, quelle
sera la couleur de ses yeux et celle de ses cheveux ; vous saurez s’il est
bavard ou s’il est affligé d’un défaut d’élocution. Si vous êtes sportif, vous
pourrez même, à condition de ne pas le prendre trop jeune, le choisir en
fonction de sa morphologie : longiligne si vous voulez ne faire un
cycliste ; baraqué si vous souhaitez le champion de natation.
Il y a quand même de la bien-pensance chez
Démocrite : « si l’on en a un
de soi … on est forcé de le prendre tel qu’il est » : il ne
s’agit donc pas d’accréditer cette coutume de l’époque qui voulait que le père
fut autorisé à supprimer l’enfant – son
enfant – dont il ne voulait pas, parce qu’il était mal formé, ou bien qu’il
était né sous une mauvaise étoile. J’ai lu quelque part que l’expression
« élever un enfant » venait
de la coutume romaine de déposer le nouveau-né aux pieds du père (le pater
familias) le quel le prenait dans ses bras (l’élevait) s’il l’acceptait comme
rejeton – ou bien décidait de le laisser là – à charge pour les domestiques de
le déposer en dehors des remparts de la ville où il deviendrait la proie des
bêtes errantes.
- Et aujourd’hui ? On commence à trier les embryons
pré-implantation, pour avoir le choix entre garçon et fille. C’est exactement
ce que suggère Démocrite : simplement on a changé de technique.
La suite à demain – Si vous le voulez bien
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(1) Démocrite : « Tout ce qui existe dans l'univers est
le fruit du hasard et de la nécessité ». Voir ici
(2) « Il y a 25 ans,
un millionnaire américain, Robert Graham, créait une banque de sperme destinée
aux... Prix Nobel » (Agence Science-Presse)
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