Chaque progrès dans l'art d'écrire ne s'achète que par l'abandon d'une complaisance.
André Gide – Journal
Tous les perruquiers sont d'accord à dire que plus les
chevelures sont peignées, plus elles sont luisantes. Il en est de même du
style, la correction fait son éclat.
Gustave Flaubert –
Correspondance, à Louise Colet, 22 novembre 1852
Amis écrivains, vous tous qui êtes taquiné par le besoin
d’écrire – le « prurit » plumassier – ce Post est pour vous :
j’y parlerai de moi.
Non que je me crois capable de vous donner des conseils
pour devenir Chateaubriand ou Louis Aragon. Mais plutôt, en vous parlant de mon
expérience, j’espère – si ce n’est pas trop prétentieux – vous donner un point de vue permettant de
dire ce qu’il en est pour vous.
***
Je suis parfaitement d’accord avec cette remarque de Gide,
car je suis, moi aussi, pris dans la contradiction qu’il suggère :
- D’une
part j’écris parce que je m’aime dans ce que j’écris. La formule est un peu
bizarre, je l’avoue ; mais l’écriture est pour moi une véritable
jouissance narcissique. Exactement comme Narcisse, je m’admire moi-même – lui
dans le miroir de la fontaine, moi dans mes écrits, et cela quand bien même
personne ne les lirait jamais.
- Mais
d’autre part, cette confession est l’aveu d’un péché. Car la jouissance n’est
pas un indice de qualité. Comment aller jusqu’au dépassement de soi-même si
l’on se contente de la jouissance béate et de l’autosatisfaction en contemplant
le jet d’encre qu’on vient je lâcher sur le papier ? Comment se contenter
de cet « onanisme » ?
--> L’abandon de la complaisance comme le dit Gide est
donc indispensable – et elle est possible, parce que la jouissance ne dure qu’un
instant (si on lui ajoute la durée elle devient béatitude). Et donc, laissant
passer le temps nécessaire pour que l’encre sèche, voilà que je reprends mon
écrit, et que je perçois ses défauts : là même où je trouvais l’invention,
il n’y a plus qu’enflure ridicule ; là où il y avait de la profondeur révélant
la puissance de mon intellect, il n’y a plus que galimatias.
Gide nous promet le progrès si l’on en arrive là :
ce qui veut dire qu’au lieu de rougir de honte et de jurer de ne plus jamais
remettre la main à la plume, nous pouvons retrouver le plaisir et la satisfaction
dans la rectification de notre texte. C’est que, comme Cyrano si nous avons des
reproches à subir nous voulons qu’ils viennent de nous – et pas des affreux
critiques que nous haïssons.
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