Sous les villes englouties par le Vésuve on trouve encore, si on fouille plus avant, les traces de villes plus anciennes, précédemment englouties et disparues… La même chose s’est produite dans notre cerveau ; notre vie actuelle recouvre sans pouvoir l’effacer notre vie passée, qui lui sert de soutien et de secrète assise. Quand nous descendons en nous-mêmes, nous nous perdons au milieu de tous ces débris…
Jean-Marie Guyau –
La genèse de l'idée de temps
Traces III
La question qu’on aurait dû poser il y a quelques jours,
c’est : pourquoi voudrait-on effacer ses traces ? On sait que
l’histoire est née le jour où les Pharaons ont voulu que la trace de leurs
combats héroïques soit conservée pour toujours (1) :
Ramsès II et son
armée (source : Wiki)
Oui, mais cette histoire-là ne rapporte ni les
défaites, ni les évènements peu glorieux: on ne fabrique aucune stèle pour les commémorer
(2). Et pourtant, ces évènements-là aussi laissent des traces qui conservent le témoignage du passé.
Transposant à la vie de l’individu, Jean-Marie Guyau le
constate : c’est cela qui fait la base de bon nombre de
traumatismes ; le passé ne passe pas, ce qui veut dire que sa trace est
aussi vive que les chocs subis au présent.
N’y a-t-il donc aucune différence entre le présent et le
passé ? Si fait : alors que l’évènement qui vient d’arriver est
encore entier et plein de couleurs, l’évènement ancien, désossé dans notre
mémoire, est réduit à n’être plus qu’épaves qui de temps à autre reviennent
s’échouer sur les rivages de notre présent.
Mais ces débris de ce passé servent surtout d’assise à
notre présent. Oui, notre présent, non seulement a pour fondation le passé,
mais en plus ce sont les débris du passé.
Autant dire qu’à vouloir trop remuer tout ça, on risque l’effondrement !
Du coup, cela me fait penser à ces horribles radicaux
libres fabriqués dans nos cellules et qui nous gâchent la vie. (3)
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(1) Je laisse de côté l’histoire « des historiens »
qu’on fait débuter avec Hérodote, pour ne conserver que l’histoire comme chronique des faits mémorables.
(2) On connait l’histoire du français qui débarque à
Londres et qui s’étonne que les anglais donnent à leur gares ou à leurs parcs
des noms de défaites : Waterloo station, Trafalgar square.
(3) Pour tout savoir sur l’armée des radicaux libres,
voir ici.
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