Vivre de telle sorte qu'il te faille désirer revivre, c'est là ton devoir.
Nietzsche –
Fragments posthumes
Vu de loin, ce précepte est assez banal : par
rapport à la mort, que pouvons-nous espérer, nous qui sommes athées – ou à
peu près ? Aucun paradis, aucune destinée post-mortem ne nous attend, et
tant qu’à faire, si on a le choix entre revivre notre vie, ou sombrer dans le
néant, va pour la nouvelle vie. Ou plutôt va pour l’éternel retour, ce qui revient à revivre une deuxième fois cette
vie que nous allons quitter, avec les mêmes joies et les mêmes peines, avec les
jouissances et les souffrances que nous venons d’endurer.
Chic ! … Mais comment fait-on ? Nietzsche nous
invite en effet à adopter le style de vie qui débouche là-dessus ; s’agit-il
de suivre une règle, sans laquelle on de louper cette issue ? Ce serait
une sorte de bouddhisme inversé : au lieu de chercher par la perfection de
notre vie à échapper au cycle des renaissances (1), on chercherait à s’y
maintenir.
A mon avis c’est là un contresens : il n’y a rien
chez Nietzsche qui annonce cette perspective.
D’ailleurs, si nous lisons bien la citation-du-jour, on voit que ce sur
quoi on agit, c’est sur le désir de revivre et non sur un quelconque mérite qui
nous amènerait à cette issue.
C’est la leçon de Zarathoustra à ses disciples : Mène ta vie en sorte que
tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement. Mais il ne s’agit
nullement d’un commandement religieux,
mais d’une règle de vie morale.
… A moins de considérer que toute règle qui nous intime
l’ordre d’aimer ne soit une règle religieuse : Tu dois aimer la vie se
dirait comme : Tu dois aimer ton prochain.
Et en effet, seule une religion peut commander d’aimer.
Même Kant avec son rigorisme éthique a reculé devant cette impossibilité :
le commandement n’est pas d’aimer celui qui le mérite, mais seulement de le
respecter.
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(1) Il s’agit du samsara – Voir ici
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