Citation du 14 décembre 2013

L’élégance n’est pas une qualité extérieure, mais une partie de l’âme qui est visible aux autres.

Paulo Coelho – Le manuscrit retrouvé

Est-ce là une bonne définition de l’élégance ? Celle-ci n’est-elle pas plutôt l’art de la dissimulation, de la surface lisse – la suprême élégance n’est-elle pas un art de la dissimulation qui épargne aux autres les tourments de notre âme ?

Peut-être, mais ce n’est pas cela le plus important. L’important ici c’est de supposer qu’il y a une partie de notre âme, ou si l’on veut de notre essence, qui transparait. Une partie de notre être qui affleure dans notre paraitre.

L’obsession des photographes qui se portraitisent eux-mêmes, l’appareil au bout du bras serait-elle donc une manifestation de  narcissisme ? (1)

Pas seulement : on est souvent loin des complaisances avec soi-même. Ce que le photographe – comme le peintre – essaie de capter, c’est bien cette partie cachée au plus profond de lui-même, qu’il ressent et qu’il ne voit jamais. Une preuve ? Voici :

Ilse Bing – Autoportrait 1986 (ici)

Se voir de face et de profil : impossible simultanéité, résolue dans cette photo. Mais ce n’est pas là la seule surprise qui nous y attend. Si le visage d’Ilse Bing est en partie caché par l’appareil photo, ce n’est pas parce que l’œil est collé au viseur (cf. reflet dans la glace), mais bien pour restituer la vérité du photographe dans l’exercice de son art, à l’affut derrière son Leica. L’essence d’Ilse Bing est d’être photographe et c’est son regard de photographe qui nous transperce au-delà du miroir.

Maintenant cette phrase ce Coelho fait encore vibrer quelque chose d’un peu angoissant : si les autres perçoivent une partie de moi-même simplement en me regardant, peut-être est-ce une partie que j’aimerais cacher ? Peut-être me dérobent-ils ce moi-profond que je cherche à dissimuler et qui transparait là où je ne m’y attendrais pas : quand on me voit de dos ; ou assis sur ma chaise, ou encore par en-dessus avec une calvitie naissante, ou de profil quand on s’aperçoit que mon crane est aplati vers la nuque ?

D’ailleurs on le sait bien : n’est-ce pas à cela que l’on pense quand on demande à être photographié sous notre « bon profil » ?

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(1) C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un selfie.