J'aime les
ragoûts littéraires fortement épicés, les œuvres de décadence où une sorte de
sensibilité maladive remplace la santé plantureuse des époques classiques. Je
suis de mon âge.
Emile Zola – Mes Haines (1866)
La décadence ne
se caractérise pas essentiellement par
l’excès de sensualité mais d’abord, par celui des excitants : il faut plus
d’épices dans le ragoût, parce que les consommateurs, maladifs et usés n’ont
plus de sensations autrement. On comprend ainsi que c’est cette dégénérescence
qui fait la décadence et non la sensualité débridée. Le décadent est imaginé
les jambes maigres, le ventre trop gros surmonté d’une poitrine creuse. Par
contre l’homme de l’époque classique est grand, athlétique, avec des pectoraux
et des abdos de statue. Mais la décadence, quant à elle, est d’abord une
affaire d’époque : les hommes décadents sont en réalité des hommes qui
vivent des époques décadentes.
Et
nous ? Si nous admettons que seule l’usure de la société peut nous
caractériser comme décadents, vivons-nous un telle époque ? Et d’ailleurs,
à la mesure de l’histoire, qu’est-ce que ça voudrait dire « époque
décadente » ? Je suppose qu’on n’évoque pas une époque qui ouvre sur
le néant. La décadence historique, nous l’imaginons volontiers illustrée par
l’Empire romain : une décadence qui débouche sur la barbarie avant de
parvenir à de nouveaux sommets de civilisation.
Les
Islamistes – ou les intégristes religieux de tout poil – nous disent :
vous êtes décadents, donc c’est nous les vrais civilisés : disparaissez !
Notre réponse consiste à dire que c’est l’inverse : ils sont les barbares
et c’est nous qui sommes encore civilisés.
Mais de nos
jours, comment s’exprime cette décadence ? Par des excès d’épices ? Pas
seulement n’est-ce pas. Nous avons en
plus des instruments prétendus capables de faire progresser la Civilisation.
Comme ça :
Sur la frontière entre l’Arabie Saoudite
et le Yémen, le 9 avril 2015
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