Saturday, April 25, 2015

Citation du 26 avril 2015

Blanches sérénités de l’océan des formes, / Quelquefois je vous veux, sous les muscles énormes, / Géantes & crevant le moule de mes mains.
Albert Mérat  - Le sonnet des seins (L’Idole – 1869)
Vous trouverez en annexe le sonnet en entier, mais l’ensemble de ces poèmes dédiés à l’Idole est à lire ici.
Oui, cher lecteur : à moins que vous n’ayez le cerveau embrumé, vous aurez compris que ces « blanches sérénités », ces « formes géantes » que moulent les mains du poète, ce sont … les seins d’une belle Idole.
Ces vers emberlificotés et archaïsants du poète parnassien ne sont-ils que des formes poétiques banales et convenues ? Certes non, et leur lecture ne nous trompera pas longtemps : il s’agit bel et bien de fantasmes et rien ne pourrait d’avantage nous le prouver que ce passage cité ici, où les seins crèvent le moule des mains du sculpteur qui prétendent en pétrir la pâte pour en faire une copie. Rien ne peut les emprisonner, comme le montre ce tableau de Magritte :


René Magritte - Homage To Mack Sennett, 1934
Oui, cette idée que les seins se voient là même où ils ne devraient que se deviner est très courante. Mais voilà que notre poète est plus fort que les fantasmeurs courants : c’est qu’il prétend faire l’aveugle et découvrir par le toucher ce que les yeux ne pourraient voir. Mais ce n’est pas tout ! Voici que l’aveugle, en posant ses mains sur les seins de sa belle amie, les révéle totalement – non pas banalement par contact, mais en déclenchant leur puissance éruptive.
Va-t-on dire que l’éruption en question se produit quelque part dans le corps de l’aveugle, et qu’on transfère l’effet à la cause ? Pourquoi pas ? C’est une métonymie, procédé rhétorique courant, qu’on ne doit pas s’étonner de trouver dans un poème parnassien.
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LE SONNET DES SEINS
L’éclosion superbe & jeune de ses seins / Pour enchaîner mes yeux fleurit sur sa poitrine. / Tels deux astres jumeaux dans la clarté marine / Palpitent dévolus aux suprêmes desseins.

Vous contenez l’esprit loin des rêves malsains, / Nobles rondeurs, effroi de la pudeur chagrine ! / Et c’est d’un trait pieux que mon doigt vous burine, / Lumineuses parmi la pourpre des coussins.

Blanches sérénités de l’océan des formes, / Quelquefois je vous veux, sous les muscles énormes, / Géantes & crevant le moule de mes mains.

Plus frêles, mesurant l’étreinte de ma lèvre, / Vers la succession des muets lendemains, / Conduisez lentement mon extase sans fièvre.

Albert Mérat  - L’Idole 1869

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