… je ne sais
pas posséder. Ce que j’ai, et qui m’est toujours offert sans que je l’aie
recherché, je ne puis rien en garder. Moins par prodigalité, il me semble, que
par une autre sorte de parcimonie : je suis avare de cette liberté qui
disparaît dès que commence l’excès des biens.
Albert Camus – Préface de L'Envers et
L'Endroit
Tout ce que
tu ne sais pas donner te possède.
Gide - Les nouvelles nourritures (Cité le 8/07/2006)
Commentaire I
« je ne sais pas posséder » : il y a plusieurs façon de ne pas
pouvoir posséder (en dehors du fait de ne pas en avoir les moyens, bien
sûr) :
- par désintérêt : posséder ne m’intéresse pas, je ne vois pas de
différence entre le logement loué et le logement possédé : j’occupe l’un
comme l’autre et ça suffit à mes besoins.
- par prodigalité : je donne tout ce que j’ai reçu. Ainsi du grand
seigneur qui ne compte pas ses dons ; ainsi du Père Goriot, qui ne peut
s’empêcher de donner.
- par souci d’indépendance : ma liberté disparait dès que commence
l’excès des biens.
Mais quand y
a-t-il excès de biens ? Les biens peuvent-ils donc être « en
excès » ?
La réponse
coule de source : il y a excès quand ma liberté disparaît du fait de mes
possessions (= souci de les préserver ou de les accroitre).
Que faire ?
- Soit refuser toute espèce de bien,
quel qu’il soit, par précaution, pour éviter de se retrouver un jour bloqué
sans y avoir pensé.
- Ou alors, utiliser le critère de
Gide : reliant la prodigalité au
souci d’indépendance, il propose de
vérifier si nous sommes capable de donner ce que nous possédons. Tout ce que
nous nous refusons à donner est précisément ce dont nous devrions nous
débarrasser.
Là où Camus
ne trouve aucun problème, mais seulement une solution, Gide trouve le problème et la solution (1).
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(1) Occasion
de rappeler cette citation fameuse – de Gide également : « « Il n'y a
pas de problèmes ; il n'y a que des solutions. »
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