Une réglementation morale ou
juridique exprime donc essentiellement des besoins sociaux que la société seule
peut connaître.
Durkheim – De la Division du travail social
1893
« Il faut une réglementation morale ou juridique » : c’est en ces termes que Durkheim établissait, il y
a plus d’un siècle, qu’une règle quelle qu’elle soit était un moindre mal par rapport
à l’anomie, état caractérisé par
l’absences de norme et d’organisation publique. Ce n’était d’ailleurs pas la
première fois qu’une telle remarque était faite, puisque, selon Pascal, la
justice remplissait la même fonction : certes, elle est soumise aux
caprices du Prince, mais elle reste préférable au conflit généralisé entre les
prétendants au Pouvoir.
Pascal, Durkheim, de vieilles
lunes ? Tout cela ne serait que de l’érudition stérile, des faits établis
dans le passé et rien que pour le passé ? Hélas non : revenir sur
cette question aujourd’hui nous plonge dans les propos actuels des tenants de
l’ordre et de la tradition, de ceux qui disent que tous les bouleversements
sociaux et culturels du siècle passé n’ont fait que détruire sans jamais
construire quelque chose de neuf. Que tout changement dans ce domaine est
régression et jamais progression. Certes, ils ne vont pas jusqu’à dire que,
même ridicule, cet ordre établi est préférable à l’absence d’ordre – mais ce
serait encore possible…
Du coup, ne va-t-on pas bénir
n’importe quel gourou de l’ordre moral, venu envouter une population entière et
la pousser aux pires excès ?
Que répond Durkheim à cela ? Que cette réglementation est sociale – donc collective – non seulement dans son application, mais aussi dans son origine, qu’elle exprime … essentiellement des besoins sociaux que la société seule peut connaître. Il y a non seulement un besoin d’être encadré, dirigé, mais il faut encore savoir en quoi consistent les besoins des hommes : comment il faut régler les mariages, les devoirs réciproques des hommes et des femmes, répartir les héritages ; comment distribuer les ressources, etc. L’individu qui s’isole est comme le neurone déconnecté : il meurt en peu de temps.
No comments:
Post a Comment