Wednesday, October 12, 2016

Citation du 13 octobre 2016

Œuf : point de départ pour une dissertation philosophique sur la genèse des êtres.
Flaubert – Dictionnaire des idées reçues
Pourquoi mobiliser la philosophie pour une dissertation sur l’œuf ? Et d’abord à quelle question devrait répondre une telle dissertation ?
--> Facile : la question serait « Qu’est-ce qui vient en premier : la poule ou l’œuf ? » Et le philosophe de disserter sur la cause première, et sur notre (in)aptitude à la penser. Selon le Dictionnaire des idées reçues, la bêtise serait alors de penser comme tout le monde, et donc de passer à côté de ce qui serait vraiment intéressant.
Comme, par exemple :
- Pourquoi ne pondons-nous pas d’œufs (1)
- L’œuf frais pondu contient-il déjà un poussin ? Sinon quand arrive-t-il ?
- Nous est-il permis de manger des œufs si nous sommes végétariens ?
Etc…
Mais il n’y a pas que cela. La citation du Dictionnaire met en cause la réflexion sur la genèse des êtres : des questions métaphysiques (« Qui sommes-nous ? », « D’où venons-nous ? ») que Flaubert semble rejeter comme ineptes. On objectera que ces questions sont quand même fort importantes et qu’elles méritent au moins d’être posées. Soit, mais Flaubert trouve ridicule d’aborder le problème de telle façon qu’il soit radicalement insoluble. Mieux vaudrait s’interroger sur  notre liberté ou notre responsabilité dans l’existence plutôt que de rechercher inutilement à savoir ce qui a prévalu à l’origine des temps. Après tout Flaubert est de l’époque de Comte, qui définissait ainsi l’état positif (= scientifique): « Dans l'état positif, l'esprit humain, reconnaissant l'impossibilité d'obtenir des notions absolues, renonce à chercher l'origine et la destination de l'univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes » (Auguste Comte, Cours de philosophie positive (1830-1842), Première leçon, t. 1 – Lire ici)

Il y a deux sortes de questions : les insolubles et les solubles. Et pour ces dernières, il faut ajouter : celles dont on peut se dispenser pour progresser dans le savoir et celles qui sont indispensables. Le savoir véritable suppose le renoncement aux premières et la mobilisation de l’intelligence pour parvenir à l’élucidation des secondes.
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(1) Voir la Fable de La Fontaine ici.

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