Œuf : point
de départ pour une dissertation philosophique sur la genèse des êtres.
Flaubert – Dictionnaire des idées reçues
Pourquoi
mobiliser la philosophie pour une dissertation sur l’œuf ? Et d’abord à
quelle question devrait répondre une telle dissertation ?
--> Facile :
la question serait « Qu’est-ce qui vient en premier : la poule ou
l’œuf ? » Et le philosophe de disserter sur la cause première, et sur
notre (in)aptitude à la penser. Selon le Dictionnaire
des idées reçues, la bêtise serait alors de penser comme tout le monde, et
donc de passer à côté de ce qui serait vraiment intéressant.
Comme, par
exemple :
- Pourquoi ne
pondons-nous pas d’œufs (1)
- L’œuf frais
pondu contient-il déjà un poussin ? Sinon quand arrive-t-il ?
- Nous est-il
permis de manger des œufs si nous sommes végétariens ?
Etc…
Mais il n’y a
pas que cela. La citation du Dictionnaire met en cause la réflexion sur la
genèse des êtres : des questions métaphysiques (« Qui
sommes-nous ? », « D’où venons-nous ? ») que Flaubert
semble rejeter comme ineptes. On objectera que ces questions sont quand même fort
importantes et qu’elles méritent au moins d’être posées. Soit, mais Flaubert
trouve ridicule d’aborder le problème de telle façon qu’il soit radicalement
insoluble. Mieux vaudrait s’interroger sur
notre liberté ou notre responsabilité dans l’existence plutôt que de
rechercher inutilement à savoir ce qui a prévalu à l’origine des temps. Après
tout Flaubert est de l’époque de Comte, qui définissait ainsi l’état
positif (= scientifique): « Dans
l'état positif, l'esprit humain, reconnaissant l'impossibilité d'obtenir des
notions absolues, renonce à chercher l'origine et la destination de l'univers,
et à connaître les causes intimes des phénomènes » (Auguste Comte, Cours
de philosophie positive (1830-1842), Première leçon, t. 1 – Lire ici)
Il y a deux
sortes de questions : les insolubles et les solubles. Et pour ces dernières,
il faut ajouter : celles dont on peut se dispenser pour progresser dans le
savoir et celles qui sont indispensables. Le savoir véritable suppose le
renoncement aux premières et la mobilisation de l’intelligence pour parvenir à
l’élucidation des secondes.
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(1) Voir la
Fable de La Fontaine ici.
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