(Une panne réseau m'a empêché de publier depuis dimanche dernier. Avec toutes mes excuses.)
Ce que fait un homme c'est comme si tous les hommes le
faisaient. Il n'est donc pas injuste qu'une désobéissance dans un jardin ait pu
contaminer l'humanité; il n'est donc pas injuste que le crucifiement d'un seul
juif ait suffi à la sauver.
Borges
– La forme de l'épée
Celui qui a péché, c'est lui qui mourra. Un fils ne portera
pas la faute de son père ni un père la faute de son fils: au juste sera imputée
sa justice, et au méchant sa méchanceté.
La
Bible – Ezéchiel, XVIII, 20
Avec le contraste entre ces deux citations on aura reconnu les
termes du débat : le péché originel est-il crédible ? Et
symétriquement : la valeur salvifique du sacrifice de Jésus est-elle aujourd’hui
encore sur nos têtes, alors même qu’à l’époque de sa mort, non seulement il ne
savait rien de nous, mais encore il n’était pas sûr que l’humanité dure jusqu’à
nous ?
Nous autres, hommes du 21ème siècle, sommes-nous
redevables de ce nous sommes à des hommes d’autre fois, situés à l’origine des
temps ou à l’origine de notre histoire ? Alors même que nos gènes sont
soumis à variation et mutation il faudrait admettre que quelque chose en nous se
serait conservé, imperturbablement.
- Selon Ezéchiel, la Bible établit un lien indéfectible
entre l’acte et la nature de celui qui l’a accompli : l’action juste
établit que son auteur est juste ; seul le péché accompli prouve que celui
qui l’a commis est un pécheur. Le péché est une preuve d’une faute dont l’homme
innocent ne peut en être chargé.
- Sauf que selon Borges il y a une communauté de nature
entre les hommes, au point qu’il faudrait parler plutôt d’humanité que d’hommes : si la nature de l’acte qualifie son
auteur, alors le péché d’un seul établit la nature pécheresse de tous parce que « tous » sont solidaires les uns des
autres.
- Alors, peut-on aussi en tirer preuve pour dire que le
sacrifice de Jésus a valeur pour l’humanité entière, c’est-à-dire pour tous les
hommes passés, présents et à venir ? Peut-être, mais alors il faut supposer
une très forte cohérence entre les hommes, admettre qu’existe une humanité qui
ne constitue qu’un seul sujet solidaire de ce que chacun fait.
L’espèce humaine ne formerait alors qu’un seul être qui
surgirait progressivement dans la collection des générations qui se succèdent –
à moins de supposer que ce soit toujours le même homme qui réapparaisse.
Dans tous les petits d’hommes qui viennent au monde
aujourd’hui, c’est Judas qui nait de nouveau.
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