Saturday, October 22, 2016

Citation du 23 octobre 2016

Dire que j'ai un corps est donc une manière de dire que je peux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet
Merleau-Ponty – Phénoménologie de l’esprit (Lire le texte ici)

Les philosophes et la pudeur.
Merleau-Ponty estime que dans le cas du désir sexuel, être désiré c’est être traité comme un objet de jouissance possible. L’impudique est celui qui de prend le risque d’être fantasmé en objet de jouissance « sous le regard d’autrui » ; et la pudeur est corrélativement la volonté de conserver, dans ses rapports à autrui, le statut de sujet, et donc la liberté qui lui est liée.
On aura reconnu l’argument favorable au voile islamique : le voile et les vêtements pudiques sont une affirmation de la liberté et de l’indépendance des femmes par rapport aux hommes et à leur concupiscence. (1)
Serions-nous en France sourds à cet argument ? Aveuglés par une passion hostile, ferions-nous à l’islam un mauvais procès en lui supposant une intention liberticide vis-à-vis des femmes ? Et comme il n’y a pas de limite à ce que la pudeur voudra cacher, est-ce à tort que nous interdisons autant que faire se peut la burqa ? En bref : voulons-nous interdire le voile islamique parce que nous sommes impudiques ? La question a été posée lorsque sur la plage de Cannes on a obligé, sous le regard réprobateur de femmes en bikini, une musulmane à retirer son burkini sous la contrainte des policiers.
On est en droit de penser que les musulmans français nous considèrent, nous français de souche, comme des gens impudiques. Simplement, revenons à ce que nous dit Merleau-Ponty : c’est le refus d’être traité comme objet – en particulier sexuel – qui constitue la pudeur. Peut-être cette volonté est-elle « naturelle » ; mais le vêtement qu’on propose pour y répondre dépendent quant à eux des critères « culturels » : chez nous, autrefois, comme aujourd’hui en islam, les messieurs ne pouvaient voir la cheville d’une femme sans se sentir émoustillés. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.
Non, n’est-ce pas : si le désir masculin est de l’ordre de la nature, ce n’est pas le vêtement qui pourra ni le susciter, ni l’éteindre. Les femmes le savent bien : quelque soit leur habillement, elles ont toujours à se méfier des hommes « la main frôleuse et l’œil luisant » qui les serrent de trop près à la photocopieuse ou à la machine à café.
Que faut-il faire pour rebuter l’assaut des hommes ? Porter un voile ? Ou bien, comme sainte Wilgeforte faut-il porter la barbe ? (2)


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(1) On laissera de côté ici la valeur religieuse du voile, selon la quelle la femme se voile devant Dieu, ce qui revient à affirmer que c’est « une affaire entre Dieu et elle ».

(2) Sainte Wilgeforte refusant de se marier pour obéir à sa foi obtint de Dieu la grâce qu’une barbe lui pousse rebutant l’homme à qui elle était promise. Son père, courroucé, la fit crucifier pour la punir. Voir ce Post.





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