…cette langue elle-même, multiforme, qui se creuse et qui
s'enroule, qui se retire et qui s'étire, plus caressante que la main, plus
expressive que les yeux, fleur qui s'arrondit en pistil ou s'amincit en pétale,
chair qui se raidit pour frémir ou s'amollit pour lécher, Chrysis l'anime de
toute sa tendresse et de sa fantaisie passionnée...
Pierre
Louÿs – Aphrodite,1896,
Eloge de la langue.
Cette langue dont Pierre Louÿs nous parle avec lyrisme est
celle qui anime le baiser (cf. Annexe) et la fougue du poète est totalement
justifiée. Car nous qui avons bien des fois célébré le baiser sous toutes ses
formes, avons nous pensé à glorifier le rôle de la langue ? Point du
tout !
… Si, tout de même, une fois : c’était en 2014 pour la
saint Valentin « La langue demande
asile / A la bouche qui est belle. » (Charles de Leusse) mais c’était
pour la considérer comme un petit être affamé et apeuré, non comme la matière
vivante qui transcende le baiser.
Car le miracle du baiser est opéré par la langue dont la
matière protéiforme prend tous les aspects, toutes les consistances, ce qui lui
permet de tout faire.
Vérifions :
- langue multiforme qui se creuse, qui
s’enroule qui se retire et s’étire : voilà l’instrument du baiser.
- … plus caressante que la main, plus expressive
que les yeux. On le comprend : le baiser doit être déposé là où la
main est passée, offrant la super caresse de la langue après la caresse commune
de la main. Certes, lorsque la langue sert à caresser, elle ne peut parler mais
qu’importe ? Elle est plus expressive encore – plus même que les
yeux !
- chair qui se raidit pour frémir ou s’amollit
pour lécher. Que dire de plus sans tomber dans la vulgarité ?
Bref, la langue est cet organe qui permet d’exprimer aussi bien la tendresse que la
fantaisie passionnée.
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Annexe – « Ce baiser ne finira plus. Il semble qu'il y
ait sous la langue de Chrysis, non pas du miel et du lait comme il est dit dans
l'Écriture, mais une eau vivante, mobile, enchantée. Et cette langue elle-même,
multiforme, qui se creuse et qui s'enroule, qui se retire et qui s'étire, plus
caressante que la main, plus expressive que les yeux, fleur qui s'arrondit en
pistil ou s'amincit en pétale, chair qui se raidit pour frémir ou s'amollit
pour lécher, Chrysis l'anime de toute sa tendresse et de sa fantaisie
passionnée... » Louÿs, Aphrodite
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