De Chine sont
venus les pihis longs et souples
Qui n’ont
qu’une seule aile et qui volent par couples.
Guillaume Apollinaire – Alcools (1913),
Zone (1)
Selon la
légende chinoise, les pihis sont des
oiseaux fantastiques qui n’ont qu’une seule aile et qui sont donc obligés pour
voler de se mettre en couple – de convoler
au sens propre.
Vu ici –
On dira
peut-être que ce n’est là qu’une variante du mythe des androgynes de Platon,
qui ont été coupés en deux, devenant ainsi des moitiés d’hommes et de femmes,
et qui cherchent à s’unir amoureusement pour reconstituer leur « antique
nature » ? Il y a ici pourtant une différence qui n’est pas
mince : les oiseaux chinois ne s’assemblent pas pour « se
réparer », ni pour surmonter un handicap ; chez eux l’union du couple
permet de s’élever au-dessus de la condition rampante qui est la leur, de
dépasser leurs limites. Cette vision chinoise est nettement plus stimulante,
moins culpabilisante, moins misérable que la notre.
En tout cas
elle illustre l’importance accordée au couple, et sans doute aussi à sa
stabilité ; car qu’adviendrait-il de nos oiseaux si l’un d’eux décidait de
suivre un chemin différent ? Au lieu d’un oiseau on aurait deux pierres
tombant lourdement. Cela nous renvoie à l’article cité en note :
aujourd’hui, le couple se défait mais il se refait ailleurs ; il se
« recompose ». Ne nous laissant pas troubler par l’indice sans
cesse croissant de « divorcialité » nous considérerons plutôt le taux
de cohabitation sans mariage.
Au fond ce
qui a changé, ce n’est pas le couple, c’est sa stabilité. Alors que nos pihis
paraissaient unis à vie, voilà que nos époux d’aujourd’hui rejettent la notion
d’un engagement à vie. Loin de refuser l’union, c’est le parchemin qu’on signe
pour toujours qu’ils ne veulent plus : Ne
gravons pas / Nos noms au bas / D'un parchemin dit Brassens dans La non-demande en mariage (On les paroles de la chanson ici)
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(1) Cf.l’article de Gérard Salem et Francine Ferguson-Aebi : La fin des pihis – Le
divorce comme rite de passage.
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