La conscience règne et ne gouverne pas
Paul Valéry - Mauvaises pensées et autres, 1942
Paradoxe d’un règne sans pouvoir. On dit que cette phrase de Valéry est une paraphrase de Thiers : « Le roi règne et ne gouverne pas ». Ce paradoxe s’éclaire alors puisque la monarchie constitutionnelle est née de ce décalage entre le pouvoir (gouverner) et l’apparence du pouvoir (régner). Les théoriciens du pouvoir, Jean Bodin en tête, ont bien su montrer que le pouvoir ne se divise pas - ou du moins quand c’est le cas, il se subordonne à un pouvoir qui reste souverain : celui de Dieu ou celui du peuple.
On devine que la tentation de discuter cette particularité du pouvoir à la lumière des dernières péripéties constitutionnelles française est grande : j’y résisterai.
Retour à Valéry : c’est de la conscience qu’il s’agit, et quoique n’ayant pas sous la main son texte, je suppose qu’il s’agit du rapport de la conscience avec l’inconscient. On est dans une perspective très particulière : la psychanalyse y apparaît comme la doctrine enseignant la dualité de personnalité, où la liberté et la maîtrise consciente de soi ne sont que des illusions, et où la manipulation par nos instincts est la réalité. On sait qu’Alain a lutté contre ce fantôme que Valéry croit percevoir. Certes, je suis conscient de ce que je fais, je peux résister ou céder à mes envies, au point qu’on me considère comme responsable de mes faits et gestes. Mais cette conscience elle même n’est peut-être qu’une illusion, fruit de notre orgueil ( ou si vous voulez notre narcissisme).
Qui donc dit « je » ? On connaît la réponse de Freud : le moi n’est pas le maître dans sa propre maison, même - et peut-être surtout - quand nous nous croyons libres, nous sommes en réalité poussés par nos tendances inconscientes à faire ce que nous faisons. En sorte que pour être vraiment libres, nous devrions nous abstenir de faire ce qui nous tient à cœur, et aller contre notre tendance, en un mot de nous contrarier nous-mêmes.
Faisons-nous moines anachorètes, retirons-nous dans le désert, et attendons comme saint Antoine que nos démons se montrent.
Mais alors dansons la sarabande avec eux.
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