Devant le peuple également, Périclès voulait éviter d'être constamment présent et de saturer les gens de sa vue. Il ne se montrait à ses concitoyens que de manière intermittente, pourrait-on dire; il ne s'adressait pas à eux à tout propos et ne se présentait pas sans cesse devant eux
Plutarque Vie de Périclès (VII)
C’est tentant de se dire : « Décidément, ce Périclès, il n'aurait pas été sarko-compatible… ». C’est amusant et tentant, mais est-ce sérieux ? Nos grands esprits, ceux-là même qui conseillent le Prince, auraient-ils intérêt à lire et à méditer Plutarque ?
Quoiqu’il en soit, nous pensons comme Plutarque que durant le siècle de Périclès, la démocratie sortant juste de son berceau, nous révèle, dans leur simplicité inaugurale, quelques uns des ses secrets.
Dans son œuvre (à lire ici) Plutarque souligne que Périclès non seulement a évité de s’exposer devant le peuple, préférant laisser ses amis monter à la tribune, mais encore qu’il s’est interdit de paraître dans des dîners mondains, sacrifiant les relations amicales au seul travail du gouvernement. Conception austère de la vie politique, par opposition à la goulue surexposition médiatique de Notre Président ? Pas seulement.
Plutarque a autre chose en vue. Ce que les Athéniens redoutent par dessus tout, c’est la tyrannie du démagogue. Le tyran, en cette époque, c’est celui qui gouverne avec pour seule légitimité l’assentiment populaire. Non pas celui que procure le vote de l’Agora, réglé par la loi, là où ne siègent que ceux qui ont le droit de cité - les citoyens donc ; mais les acclamations de la populace, celle que les lois ont écarté de l’Agora, celle qui sera sensible aux décisions qui sont bonnes pour elle, sans se soucier de savoir si elles sont aussi bonnes pour la Cité.
Donc, même si la tentation est grande de lire dans cette citation une condamnation de la prétention d’un homme à se faire acclamer par le peuple, rabattant ainsi son attitude sur un narcissisme effréné, nous devons être vigilants : ce que dénonce Plutarque va bien au-delà de la simple jouissance affective.
Il y a quelque chose de dangereux à faire de l’opinion publique le guide de l’action politique.
Même si on a oublié le terme de tyran, nous n’avons pas oublié celui de clientélisme.
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