…vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne
Jean-Jacques Rousseau - Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. (2ème partie) (1)
Que ceux qui, comme Gavroche, mettent Rousseau et Voltaire dans le même sac se le tiennent pour dit : Jean-Jacques est communiste, et pas l’Ermite de Ferney.
Précisons : comme le montre la suite du texte, la révolution communiste n’est pourtant pas de mise ; il est trop tard pour remettre en commun ce qui ne l’est plus. D’ailleurs, Rousseau n’est pas un révolutionnaire : il veut stopper la déchéance et la corruption partout où c’est encore possible ; ailleurs il se contentera de rendre les hommes incorruptibles dans un monde déjà corrompu (Cf. Emile).
La thèse de Rousseau est la suivante : dans l’état de nature, les hommes, comme n’importe quel animal, ont un droit imprescriptible à tout ce qui peut les aider à vivre. La satisfaction des besoins définit ce qu’il est juste de s’approprier ; et même la pitance d’un vieillard sans défense sera ma proie si je n’ai rien d’autre à manger. L’appropriation des fruits du sol résulte du besoin ; elle s’accomplit par la consommation.
La terre qui nourrit ce qui va me nourrir échappe à ce rapport. Certes la sécurité voudrait que je m’approprie ce dont j’aurai besoin plus tard : ces pommes dont je me suis repu, seront-elles à ma disposition l’an prochain ? N’est-il pas plus sûr de posséder le pommier - et le champ où il pousse - à seule fin d’être sûr de pouvoir bénéficier de la récolte le moment venu ?
Mais cette justification de la propriété privée suppose la pénurie : elle n’est pas valable dans un état de nature où la population humaine est proportionnée aux capacités du milieu qui les nourrit (2).
- Bon, bon… Moi je fais exactement comme ça : quand j’ai besoin de faire une virée, je pique la tire qui est au bord du trottoir, et je l’abandonne quand le réservoir est à sec. Et avec la meuf qui passe, c’est exactement pareil…
- N’écoutez pas mes chers lecteurs ces propos de voyous : ils montrent simplement où mène la corruption du monde moderne, où les plus nobles pensées sont l’occasion des pires dépravation.
Quoique… On dit que Marx et Engels ont beaucoup discuté pour savoir si dans la société communiste la mise en communauté des femmes devrait être permise. Et on dit qu’Engels n’était pas contre.
(1) - « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne. Mais il y a grande apparence, qu'alors les choses en étaient déjà venues au point de ne pouvoir plus durer comme elles étaient; car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d'idées antérieures qui n'ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d'un coup dans l'esprit humain. Il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l'industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d'âge en âge, avant que d'arriver à ce dernier terme de l'état de nature. » (Début de la seconde partie du Discours)
(2) Peu après Malthus lui donnera tort - voir aussi le Post du 25 avril 2007. Il est vrai qu’il ne prenait pas en compte la fiction de l’état de nature.
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