L’argent n’a pas d’odeur.
Titus Flavius Vespasien
La citation du jour ne perd jamais une occasion d’élever la culture de ses lecteurs. Aujourd’hui, rectifions une erreur fréquente : la vespasienne n’a pas été inventée par l’empereur Vespasien. Celui-ci a simplement créé une taxe sur la collecte d'urine (qui était le seul agent fixant pour les teintures à l'époque), et c’est à cette occasion qu’il aurait dit : « pecunia non olet », l’argent n’a pas d’odeur (1).
Si toutes fois cette phrase est devenue proverbiale, c’est en raison de sa signifiance. Le 10 novembre dernier, nous avons déjà expliqué que la valeur de l’argent était abstraite. Peu importe son origine il ne conserve rien de ce qui l’a produit (ici : pas d’odeur de pipi).
Alors comment se fait-il qu’on ait besoin de blanchir l’argent ? Comment pourrait-il être sale ?
N’importe qui peut répondre à cette question : ce n’est pas l’argent qui est sale, c’est ce qu’on a fait pour l’obtenir qui est criminel. Autrement dit, l’argent est un indice, une trace de l’action humaine : trace du travail, du trafic, du vol, etc..
Mais alors, comment parler de l’abstraction de l’argent ? S’il y a une différence entre un million d’euros gagnés à la sueur de son front et le million d’euros issus de trafic de la cocaïne, ça veut dire que quelque chose est resté accroché aux billets, quelque chose de leur origine. C’est comme ça que l’argent alors aurait une odeur.
C’est tellement vrai que la condamnation du commerce de l’argent par l’Eglise durant le moyen-age visait l’argent qui s’accroissait sans qu’on n’ait rien fait pour le mériter. On pouvait prêter à gage à condition que le préteur fasse quelque chose comme de prendre le risque de ne pas être remboursé ; l’usurier c’est quelqu’un qui fait payer son argent plus cher que ne le justifierait le risque qu’il prend en le prêtant. Il fallait donc que l’argent reste solidaire de l’action qui l’avait produit. Sans une telle action, il n’avait plus de justification.
Là encore : tout le monde sait que cette conception est devenue totalement étrangère à notre époque, et que l’adage Vespasien est plus que jamais d’actualité. La preuve en est que des pays comme la Suisse ont beaucoup de mal à admettre qu’il faille lutter contre l’argent sale.
Parce que, même sale, il n’a vraiment pas d’odeur.
(1) Mais non ! Vespasien n’a pas non plus inventé le scooter.
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