Qu'il faut qu'un galant homme ait toujours grand empire / Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire
Molière – Le Misanthrope (1)
Voilà : en lisant ça, on se dit que depuis Molière peu de choses ont changé dans les manies désastreuses de nos semblables ; en particulier celle d’écrire ce qui leur vient à l’esprit ; et – hélas – de le faire lire.
Idée étrange, mais très commune. Il n’est pour s’en persuader que de parcourir quelques uns des innombrables blogs dont regorge le Net – Blogs qui d’ailleurs sont directement issus du désir de publier et de faire lire nos écrits intimes, en balançant sur la Toile le produit de la décoction de nos neurones ; encore faut-il dire que les victimes sont désormais consentantes et que celles à qui ça casse les pieds peuvent ne pas les lire.
Bon, tout ça c’est bien connu. Elevons le débat.
- Aujourd’hui, précisément, ceux qui ne savent pas écrire proprement mais qui veulent publier quand même ont droit à l’assistance d’un rewriter – entendez : d’un nègre. Si votre nom fait vendre, et si votre existence intéresse, alors embauchez quelqu’un qui sache rédiger et racontez-lui votre histoire. Il saura la tourner galamment et vous pourrez vous en attribuer le mérite puisqu’on ne mettra pas son nom sur la couverture du livre. Si on l’appelle « nègre », c’est bien parce qu’il travaille sans gloire pour les autres, et donc qu’il reste dans l’ombre…
- Mais au fait, dites moi, on n’a pas dit que Molière lui-même avait un nègre pour écrire certaines de ses pièces ? Un nègre qui s’appelait comment déjà ? Corneille ???
(1) Voici la citation dans son contexte :
Monsieur, cette manière est toujours délicate, / Et sur le bel esprit nous aimons qu'on nous flatte. / Mais un jour, à quelqu'un, dont je tairai le nom, / Je disais, en voyant des vers de sa façon, / Qu'il faut qu'un galant homme ait toujours grand empire / Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire ; / Qu'il doit tenir la bride aux grands empressements / Qu'on a de faire éclat de tels amusements ; / Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages, / On s'expose à jouer de mauvais personnages.
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