Les feuilles / Qu'on foule / Un train / Qui roule / La vie / S'écoule.
Guillaume Apollinaire – Automne malade
Savez-vous pourquoi je ne suis pas devenu prof de littérature ?
Parce qu’il fallait expliquer les poèmes comme celui-ci.
Faites donc l’expérience : recherchez ce poème dans Google et regardez le résultat : vous allez avoir une floppée de commentaires, les uns développés, les autres sous forme de fiches ou de tableaux.
Non seulement l’émotion se sera bien sûr envolée, mais encore vous allez vous demander si, de commentaire en commentaire, on parle bien du même poème…
Et puis, il faudrait aussi expliquer les « nixes nicettes aux cheveux verts» de la deuxième strophe, qui donnent lieu à des commentaires plus savants les uns que les autres (1).
Comme s’il ne fallait pas en rester à la musicalité de ces mots…
Pas convaincu ? Bon. Prenez donc les six derniers vers donnés ici en citation.
Moi, j’entends le bruit du train qui roule dans ces vers syncopés de 2 syllabes chacun. Et vous ? Vous entendez plutôt un tic-tac d’horloge, le rythme obsédant du temps qui passe ?
Mais, si ça se trouve vous entendez non pas 6 vers, mais 3 (Les feuilles qu'on foule / Un train qui roule / La vie s'écoule.), et vous allez avoir quelque chose de plus tragique dans l’esprit. Et du coup vous allez ressentir ça comme un haïku à la française (2).
Qui a raison ? Personne ? Tout le monde ?
(1) Moi, j’ai trouvé ça :
- Les "nixes", sont les nymphes des eaux de la mythologie germanique et scandinave, dont la plus célèbre est sans doute la Lorelei.
- Nicette est le féminin de nicet, dérivé de l'adjectif nice.
Nice avait deux sens : niais, pas dégourdi, comme Perceval le Nice, le naïf, mais aussi joli, mignon.
La nixe est nicette au second sens, et l'adjectif est déjà employé par Ronsard
(2) Et non plus comme un « alexandrin vertical », formule aussi pédante que creuse trouvée au hasard des commentaires.
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