Monday, June 22, 2009

Citation du 23 juin 2009

La peur de la mort qui est naturelle à tous les hommes, […] n'est pas un frémissement d'horreur devant le fait de périr, mais comme le dit justement Montaigne, devant la pensée d'avoir péri (d'être mort) ; cette pensée, le candidat au suicide s'imagine l'avoir encore après la mort, puisque le cadavre qui n'est plus lui, il le pense comme soi-même plongé dans l'obscurité de la tombe ou n'importe où ailleurs.

Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, § 27 (lire la suite ici)

Ce n’est pas la mort qui nous fait horreur, mais sa représentation. Et en se représentant notre mort, nous avons la pensée d'avoir péri.

Et en pensant que nous avons péri, nous nous pensons comme plongés dans l'obscurité de la tombe.

L’horreur éprouvée devant la représentation de notre mort tient au fait qu’on s’imagine encore vivant dans la tombe, en tout cas suffisamment vivant pour en être conscient. Nous sommes si peu capables de penser la mort – notre mort – que nous faisons comme si la seule différence entre les vivants et les morts tenait à cet enferment des morts dans leur tombeau. Et que nous n’ayons plus qu’un désir, c’est d’en sortir.

Ajoutez à ça les fantasmes de culpabilité que les vivants éprouvent par rapport aux morts, et vous obtenez les histoires de fantômes et de morts vivants qui reviennent hanter notre monde, dévorer notre chair et boire notre sang. Déjà, Homère racontait qu’Ulysse pour rencontrer Tirésias qui est confiné dans le royaume des morts, doit l’inviter à boire le sang des animaux sacrifiés à cette intention (1).

De profundis clamavi (2)… Bon, c’est vrai le mort ne clame pas contre les survivants. Mais on ne sait jamais.

Tenez, regardez ce monument funéraire, photographié dans le cimetière de Nice : ce mort qui soulève le couvercle de son tombeau nous fait frissonner. Heureusement que l’Ange est là, qui veille pour lui indiquer qu’il doit aller aux cieux et ne pas venir tirer les pieds des vivants.


(1) Odyssée, chant XI – Lire la traduction de Leconte de Lisle ici

(2) Du fond de l’abîme je crie vers toi, Yahweh…Psaume 130

1 comment:

Anonymous said...

étonnante et superbe photo en effet !
sophie (des grigris)