Je me suis frileusement blotti dans un peu de tendresse.
André Gide – Journal, 23 juillet 1891
Saint Martin a donné la moitié de son manteau à un pauvre : comme ça, ils ont eu froid tous les deux.
Jacques Prévert
Houdon – La frileuse (Musée Favre – Montpellier)
La Frileuse de Houdon est comme le Saint-Martin de Prévert : elle se blottit dans un châle trop court qui du coup lui laisse les fesses à l’air. (1)
La Frileuse est émouvante parce qu’elle nous fait éprouver son frissonnement : ce blotissement qui la resserre sur elle-même est un mouvement qui nous donne à ressentir le froid qui doit lui tomber sur les reins.
Maintenant, regardez (ci-dessous), le tableau de Masaccio, intitulé Saint-Pierre baptisant les néophytes, daté de 1424-1428. Remarquez le néophyte de droite : au lieu de contempler Saint Pierre avec son auréole et d’attendre en extase d’être baptisé par lui, que fait-il ? Il grelotte et il serre ses bras autour de sa poitrine, exactement comme la Frileuse le fera, 4 siècles plus tard.
Il est intéressant alors de remarquer que les représentations de la frilosité, au cours de l’histoire de l’art sont restées les mêmes : preuve qu’il s’agit bien d’une manifestation constante dans l’espèce humaine. Mais surtout, c’est la même émotion qui renait chez le spectateur : comme le fait observer Gide, la frilosité est une recherche de réconfort, comme l’enfant qui se réfugie dans la tendresse les bras protecteurs et tendres qui l’enlacent.
L’auto-blotissement du frileux est en fait analogue au fouissement du nourrisson dans le giron de sa mère.
Notre Frileuse est donc une orpheline.
---------------------------------
(1) L’art du sculpteur se manifeste d’ailleurs par le fait que les visiteurs du musée Favre passent devant la statue sans en faire le tour pour la voir par derrière
No comments:
Post a Comment