Reste devant la
porte si tu veux qu'on te l'ouvre. Ne quitte pas la voie si tu veux qu'on te
guide. Rien n'est fermé jamais, sinon à tes propres yeux.
Attar Farid al-Din (1)
Personne que toi n’avait le droit d’entrer ici, car cette
entrée n’était faite que pour toi, maintenant je pars, et je ferme.
Kafka – La parabole de
la loi – Pages inédites du Procès
[La parabole de la loi est un texte qu’il vaut mieux lire (ici) que
résumer. S’il faut absolument le faire, disons que ça raconte l’histoire d’un
homme qui passe sa vie entière devant une porte qu’on lui interdit de franchir.
Personne ne s’y présentera que lui. Au moment de mourir, il s’en étonne auprès
de Gardien de la porte ; celui-ci répond : « cette entrée n’était
faite que pour toi »]
Attention ! La lecture de ce Post est déconseillée aux bipolaires
en phase dépressive.
On pense d’habitude, comme Musset qu’il faut « qu’une porte soit ouverte ou fermée »,
imaginant qu’elle est l’un et puis l’autre alternativement : comme si
étant fermée, elle devait s’ouvrir nécessairement un jour. Même la porte du
cabinet médical du terrible docteur Petiot ouvrait… sur un mur, certes,
mais elle s’ouvrait quand même.
On posait ici même la question : comment peut-on être
pessimiste ? Et nous disions que le pessimisme se nourrissait de la vision
des souffrances humaines : hôpitaux, hospices, champs de bataille.
--> On peut y arriver, mais c’est un peu compliqué. Le
plus simple n’est-il pas de démasquer comme illusoire l’espoir le plus mince, quand
bien même il serait soutenu par l’effort le plus grand : car on veut
croire que la constance est nécessairement récompensée.
Reste devant la porte
si tu veux qu’on te l’ouvre, parce que, à quoi bon une porte fermée qui ne
s’ouvrirait jamais ? Et pourquoi s’ouvrirait-elle si tu ne le demandes
pas ?
Rien n'est fermé
jamais, sinon à tes propres yeux. Courage, il n’y a pas d’effort qui ne
soit récompensé un jour ! Tu dois y croire, c’est la condition du
succès !
…Sauf que le triste héros de Kafka découvre au moment de
mourir, que la porte était fermée à jamais, que tous le savaient sauf lui.
Comme Schopenhauer nous le dit, la vie est un instinct qui
nous pousse à combattre toujours et qui nous fait croire que ça sert à quelque
chose. Mais c’est là une ruse de la Nature que nous, êtres humains, devons
démasquer. La seule vérité qui ne soit pas une illusion est que nous mourrons
un jour, et que nous souffrirons en attendant. (2)
J’avais un ami – qu’est-il devenu ? – qui concluait
chacun de ses messages par la formule :
Souriez ! Demain sera pire…
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(1) Pas grand-chose sur Attar, sinon qu’il fut un théoricien
persan du soufisme aux 12ème-13ème siècles. L’article Wikipédia est plus
substantiel en anglais. On y apprend au moins que « Attar » était un
surnom signifiant « le parfumeur »
(2) Heu… Il peut arriver qu’on ne fasse que s’ennuyer. C’est
mieux comme ça ? (Voir la citation de Schopenhauer ici)
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