Thursday, June 07, 2012

Citation du 8 juin 2012


On devrait gouverner un grand empire avec autant de simplicité que l’on fait cuire un petit poisson.
Proverbe chinois
Mystère des métaphores… Pour illustrer la simplicité qui aurait songé à l’exemple de la cuisson d’un poisson ? D’autant que c’est un petit poisson… comparé au gouvernement des grands empires !
C’est avec une grande satisfaction que j’ai appris que le Nouveau-Président cessait d’être un Président « normal » pour devenir un Président « simple » (cf. les abondants commentaires la presse spécialisée).
Ce qui est réjouissant pour moi, c’est qu’on laisse de côté la « normalité », qui fait d’avantage partie du vocabulaire de la psychologie ou de la sociologie – bref : des sciences humaines – pour s’en tenir à  la simplicité avec laquelle le philosophe est beaucoup plus à l’aise.  
Contournant la métaphysique et ses substances simples, nous nous tournerons vers la morale : la simplicité est une vertu, ainsi que le montre André Comte-Sponville  dans son excellent livre Petit traité des grandes vertus (1).
En quoi donc la simplicité est-elle – pour un Président de la République française – une vertu ? Ça signifie quoi de prendre le TGV au lieu d’un avion du Glam, ou une DS5 au lieu d’une berline blindée de 6 mètres de long ? Ne serait-ce pas plutôt une forme d’affectation, de prétention ridicule de paraître comme tout le monde quand on ne peut pas l’être ?
Bon : on dira que, quoiqu’on fasse, on est toujours critiqué et que la bonne foi des chicaneurs n’est pas au rendez-vous. Admettons.
Toutefois, même si cette forme de simplicité qu’est la modestie et la modération n’est pas un vice caché, il se peut quand même qu’elle ne soit pas une vertu non plus.
Comte-Sponville heureusement nous alimente à meilleure source. Par exemple Fénelon : « La simplicité est une droiture de l’âme qui retranche tout retour inutile sur elle-même et sur ses actions. […] Elle est libre dans sa course, parce qu’elle ne s’arrête point pour se composer avec art. » (2)
C’est bien dit, n’est-ce pas ? On reconnait bien là une vertu avec ce qu’elle suppose d’oubli de soi et en même temps d’excellence dans l’action.
Seulement voilà : imagine-t-on qu’un homme possédant cette vertu – la Simplicité – puisse avec ça devenir un homme politique ? Je veux dire : quelqu’un qui ne se pose pas la question de savoir comment il parait aux autres, qui ne se contemple pas lui-même dans ses œuvres, qui se bat pour ses idées et non pour un pouvoir personnel, cet homme-là fait-il de la politique ?
Oui, c’est vrai, il y a eu Robespierre…
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(1) C’est au chapitre 12. Ce « Petit » traité est un clin d’œil au Traité des vertus de Jankélévitch, qui fait allègrement ses 1200 pages
(2) Fénelon – Lettres et opuscules spirituels p. 677 (Comte-Sponville, ouvr. cité p.205)

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