My dear,
I was born into a class who don’t work, take the money of those who do, and
have not yet been put to death by stoning.
After
that, life holds few surprises, believe me.
Alan Moore, Lost
Girls, 2006
[Traduction : Mon cher, j’étais né dans une classe [sociale]
de gens qui ne travaillent pas, qui prennent l’argent de ceux qui travaillent,
et qui n’ont pas été pour le moment lapidés.
Avec ça, la vie ne comporte pas beaucoup de surprises,
croyez-moi.]
Commentaire I
Il nous est arrivé de dire
que les riches ne connaissent qu’un seul souci qui est d’échapper à l’ennui.
(1)
Mais peut-être était-ce
déjà trop dire. Le point de départ est non pas l’uniformité monotone de la vie,
mais sa prévisibilité.
En quoi la richesse nous confère-t-elle
la prévisibilité y compris dans notre vie ? Le monde en effet est plein
d’aléas, ne serait-ce que le temps qu’il va faire, ou la maladie du petit
dernier qui compromet le départ en vacances. Sans parler de la machine à laver
qui se met à fuir, de la panne d’électricité ou du travail imprévu.
L’homme riche bien sûr
n’est pas à l’abri des imprévus. Simplement il peut se prémunir de leurs
effets, non seulement parce qu’il est, nous le supposerons, son propre patron,
mais aussi parce qu’il peut payer ceux qui viendront prendre en charge ces
désordres inopinés. Il est donc à tout moment celui qui peut réaliser sans
aucun souci ses projets, même s’il faut pour cela écarter de son chemin les
obstacles humains : il a le pouvoir.
Le pouvoir. Alors
justement, il y a quand même un aléa – et un seul – qui est le risque de se
faire lapider par ceux qui travaillent et sur lesquels le riche ponctionne ses
profits. Après tout, les révolutions ont souvent éclaté au moment où on ne les
attendait pas : rappelons-nous Louis XVI écrivant « Rien » dans
son journal le jour du 14 juillet 1789 (cf. ici).
Toutefois, on sait aussi
que les riches sont des gens qui étudient de façon très poussées les conditions
matérielles de leur sécurité. Des hauts murs qui entourent leur propriété, des
chiens et des vigiles. Oui, mais aussi et surtout des manifestations de la
richesse aussi discrètes que possibles. Les vraies richesses – même matérielles
– sont celles qu’on ne voit pas.
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(1) Rappelons ceci :
« L'ennui (…) c'est la façon qu'ont les riches d'être pauvres. » – Jankélévitch
(voir ici)
2 comments:
Louis XVI, mon ami, Louis XVI!
Vous fourchâtes.
Sinon, j'aimerais bien parfois m'ennuyer, signe que je n'ai pas de soucis majeurs, ni matériels, ni "existentialistes"; (là j'aurais du me taire, le philosophe va me crucifier...)
(Tant pis pour moi.)
Bonne journée,
N.
Merci je corrige - et je le concède : il eut été préférable que je ne fourchasse pas.
On a perdu l'habitude de crucifier les gens : ça va trop vite...
Pour l’emploi de l'adjectif "existentialiste", je ne le commenterai pas, sauf à dire qu'"existentiel" me parait plus approprié.
Merci encore et bon lundi.
J-P H
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