Saturday, June 16, 2012

Citation du 17 juin 2012


My dear, I was born into a class who don’t work, take the money of those who do, and have not yet been put to death by stoning.
After that, life holds few surprises, believe me.
Alan Moore, Lost Girls, 2006
[Traduction : Mon cher, j’étais né dans une classe [sociale] de gens qui ne travaillent pas, qui prennent l’argent de ceux qui travaillent, et qui n’ont pas été pour le moment lapidés.
Avec ça, la vie ne comporte pas beaucoup de surprises, croyez-moi.]
Commentaire I
Il nous est arrivé de dire que les riches ne connaissent qu’un seul souci qui est d’échapper à l’ennui. (1)
Mais peut-être était-ce déjà trop dire. Le point de départ est non pas l’uniformité monotone de la vie, mais sa prévisibilité.
En quoi la richesse nous confère-t-elle la prévisibilité y compris dans notre vie ? Le monde en effet est plein d’aléas, ne serait-ce que le temps qu’il va faire, ou la maladie du petit dernier qui compromet le départ en vacances. Sans parler de la machine à laver qui se met à fuir, de la panne d’électricité ou du travail imprévu.
L’homme riche bien sûr n’est pas à l’abri des imprévus. Simplement il peut se prémunir de leurs effets, non seulement parce qu’il est, nous le supposerons, son propre patron, mais aussi parce qu’il peut payer ceux qui viendront prendre en charge ces désordres inopinés. Il est donc à tout moment celui qui peut réaliser sans aucun souci ses projets, même s’il faut pour cela écarter de son chemin les obstacles humains : il a le pouvoir.
Le pouvoir. Alors justement, il y a quand même un aléa – et un seul – qui est le risque de se faire lapider par ceux qui travaillent et sur lesquels le riche ponctionne ses profits. Après tout, les révolutions ont souvent éclaté au moment où on ne les attendait pas : rappelons-nous Louis XVI écrivant « Rien » dans son journal le jour du 14 juillet 1789 (cf. ici).
Toutefois, on sait aussi que les riches sont des gens qui étudient de façon très poussées les conditions matérielles de leur sécurité. Des hauts murs qui entourent leur propriété, des chiens et des vigiles. Oui, mais aussi et surtout des manifestations de la richesse aussi discrètes que possibles. Les vraies richesses – même matérielles – sont celles qu’on ne voit pas.
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(1) Rappelons ceci : « L'ennui (…) c'est la façon qu'ont les riches d'être pauvres. » – Jankélévitch (voir ici)

2 comments:

Anonymous said...

Louis XVI, mon ami, Louis XVI!
Vous fourchâtes.
Sinon, j'aimerais bien parfois m'ennuyer, signe que je n'ai pas de soucis majeurs, ni matériels, ni "existentialistes"; (là j'aurais du me taire, le philosophe va me crucifier...)
(Tant pis pour moi.)
Bonne journée,
N.

Jean-Pierre Hamel said...

Merci je corrige - et je le concède : il eut été préférable que je ne fourchasse pas.
On a perdu l'habitude de crucifier les gens : ça va trop vite...
Pour l’emploi de l'adjectif "existentialiste", je ne le commenterai pas, sauf à dire qu'"existentiel" me parait plus approprié.
Merci encore et bon lundi.
J-P H