L’éducation doit donc, premièrement, discipliner les
hommes. Les discipliner, c’est chercher à empêcher que ce qu’il y a d’animal en
eux n’étouffe ce qu’il y a d’humain, aussi bien dans l’homme individuel que
dans l’homme social. La discipline consiste donc simplement à les dépouiller de
leur sauvagerie.
[…] Le manque de discipline est un mal pire que le défaut
de culture, car celui-ci peut encore se réparer plus tard, tandis qu'on ne peut
plus chasser la sauvagerie et corriger un défaut de discipline.
Kant – Traité de
pédagogie, Introduction (lire ici)
Voici les vacances ! Beaucoup d’écoliers (et
peut-être quelques maitres ?) jettent leurs cahiers à la poubelle en
rêvant qu’il n’y aura pas de prochaine rentrée, que ces vacances seront sans
fin…
Et si c’était vrai ? Que perdrions-nous en perdant
l’école ?
La réponse de Kant prend à rebrousse-poil l’opinion
éclairée d’aujourd’hui : l’école est indispensable, parce qu’elle
discipline ces petits animaux sauvages que sont les enfants. Elle les contraint
à se tenir tranquilles sur une chaise à ne pas bavarder, à répondre avec
respect et seulement quand on leur adresse la parole.
Et quand bien même elle ne ferait que cela, ce serait une
tâche absolument essentielle : car passée la petite enfance, il n’est plus
possible de l’effectuer. Ceux qui en grandissant n’ont pas acquis étant petits
cette discipline, restent à tout jamais des
hommes indisciplinés, incapables de mener une vie sociale harmonieuse.
Et, notez-le bien, Kant – comme Rousseau – ne considérait pas que cette tâche
de civiliser les enfants incombe seulement aux parents, mais que l’école y
jouait un rôle essentiel.
On dira que plus personne ne croit ce que dit ici
Kant ; que les enfants bien élevés ne font en réalité que reproduire le
modèle proposé par les parents, de sorte
qu’il y a là une sorte de déterminisme social (et non scolaire). Par ailleurs,
les psychologues nous répètent que l’on peut toujours remédier par une démarche
appropriée aux défauts du comportement. Quant à certains dirigeants politiques,
ils estiment certes que les petits sauvageons existent, mais que c’est là
l’effet d’une génétique loupée et que la seule possibilité est de les isoler à
la naissance ou presque, pour qu’ils ne perturbent pas la société.
Reste que Kant nous suggère la remarque suivante :
aujourd’hui, nous pensons que l’école (que l’écris avec un e minuscule pour bien
montrer que je vise la réalité scolaire et non l’Institution) a pour tâche de
former des gens capables de gagner leur vie en accédant à un métier. Et si,
avec Kant nous disions que le rôle de l’école n’était pas de former, mais de
transformer un petit animal en un homme ? Mais en se rappelant que l’homme
qu’il convient de faire naitre ainsi ne doit pas être un simple pion pour le
jeu d’échec social.
D’ailleurs si nous revenons au Traité de pédagogie de Kant, nous lisons : Il ne suffit pas de
dresser les enfants ; il importe surtout qu’ils apprennent à penser.
Après la discipline : la culture.
2 comments:
Mais si le cercle familial ne prépare pas à recevoir cette culture, en prônant la tolérance par exemple, (la curiosité?) et pas forcément la soumission à une culture différente de celle ds laquelle on nait, n'est-ce pas peine perdue pour les enseignants?
C'est pourquoi je crois que c'est la mère, aidée ou pas et même contre le père, qui a la première ce "pouvoir"... Très tôt.
Oui, à la différence de Kant nous pensons aujourd'hui que les déterminismes socio-culturels (en gros : tout ce qu'on absorbe en étant petit) l'emportent sur les leçons du maitre. Et c'est vrai.
Mais beaucoup pensent contre Kant que l'école ne sert qu'à obtenir un emploi, et que tout le reste, c'est du vent.
Et là, il n'est pas sûr que nous ayons raison.
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