Toute activité orientée selon l'éthique peut être
subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées.
Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité ou selon l'éthique de
la conviction.
Max
Weber, Le Savant et le Politique (1919)
L’un des dilemmes irritants de la morale consiste dans cette
opposition entre deux manières différentes de choisir : l’une qui repose
sur la considération des valeurs (en amont de l’action) ; l’autre sur
celle du résultat (en aval de celle-ci).
On a vu hier que Kierkegaard s’en tenait au choix d’agir
selon des valeurs (éthique de la conviction), sans tenir compte du résultat
(éthique de la responsabilité), parce que l’important est dans la psychologie
de l’agent moral. Mais si l’on veut bien entrer dans l’opposition de Weber (1),
on voit bien qu’elle est intimement liée à toute action politique – et en
particulier à celle d’aujourd’hui. Car le débat du jour (à l’intérieur de la
droite) est celui-ci : « Vaut-il
mieux vaut perdre sans l’extrême droite que de gagner avec elle ?
(morale de la conviction) – ou
inversement doit-on dire : l’important
c’est de gagner et peu importe comment » (morale de l’efficacité).
Ce qui est important, c’est de remarquer qu’on a affaire à
un choix qui est d’abord moral et pas seulement politique. J’admets bien sûr
que ceux qui affirment que « l’important
c’est d’arriver au pouvoir et peu importe avec qui », sont des gens
qui font une carrière politique et non de moraliste.
Mais il ne faut quand même pas croire que tous ceux qui
mettent en avant l’efficacité politique soient des petits machiavels, dénués de
tout sens moral. Beaucoup d’entre eux ne veulent pas évacuer complètement la
question des valeurs. Ils disent : « Oh, ces gens-là (= ces électeurs
d’extrême-droite avec qui nous faisons
alliance) ne votent pas selon des valeurs ; ce sont seulement des
protestataires : ils ne votent pas pour
– ils votent contre. » ; mais
ils sont obligés de compléter : « Nous, qui avons des valeurs nous allons
les aider à les découvrir. » D’ailleurs les débats qui agitent la
recomposition des partis de droite en France s’intitulent : Débats sur ce
que sont nos valeurs.
Alors, puisqu’il y a morale, il y a forcément dilemme. Le
dilemme consiste donc à dire : ou bien j’affirme la pureté de mes valeurs,
mais alors mon action échouera forcément à les réaliser complètement ; ou
bien je vise l’efficacité de mon action, mais alors je trahis peu ou prou mes
valeurs.
Ou bien le tout ou rien ; ou bien le moins mal possible.
De toute façon on ne peut quitter le domaine de la valeur, parce qu’une
politique sans valeurs c’est le cynisme.
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(1) Texte à lire ici
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