Le scepticisme est le commencement de la foi.
Oscar Wilde
Revoici donc le paradoxe « wildien » dont nous
parlions hier : comment attribuer au scepticisme le rôle d’initiateur de
la foi ? Sauf erreur, le scepticisme étant la position de ceux qui
estiment que la connaissance n’est pas accessible à l’homme, le mieux est de
« suspendre son jugement » et non pas de l’affirmer dans l’élan de la
foi. Car la foi procède certes d’un refus de reconnaitre la valeur de la
connaissance ordinaire, mais en revanche elle exclut absolument la suspension
du jugement. Elle est l’acte même de croire, là où le sceptique refuse de le
faire.
D’où paradoxe. D’où nécessité de le résoudre (selon le
principe posé hier). Peut-on y arriver ?
On pourrait se dire : après tout peut-être qu’Oscar
Wilde se contente de pointer le rôle destructeur du scepticisme : il est
ce qui renvoie comme également douteuses toutes les thèses scientifiques – oui mais
on ne peut vivre dans ce doute : il faut choisir. On peut penser par
exemple aux créationnistes qui déclarent que le darwinisme n’est pas plus
prouvé que ne l’est la Révélation pour les athées. Sauf qu’ils ne sont pas
athées : ils ont choisi leur camp. Donc il y a chez eux le moment où le
sceptique après avoir liquidé la certitude scientifique se transforme en fidèle
croyant en la parole biblique. Et c’est là que la citation de Wilde dérape un
peu, parce qu’il fait comme si ce « commencement » de la foi (=
scepticisme) était homogène à la foi elle-même, alors que ça suppose une
véritable conversion.
Si l’on veut éviter la conversion, alors il convient de
faire du scepticisme lui-même une foi
– la Foi – qui oriente et éclaire l’existence. Le scepticisme est alors une
position que l’on adopte mais non pas pour la quitter un jour : être
sceptique, c’est l’être pour toujours.
Est-il inconséquent de faire du scepticisme une
foi ? Si la foi a pour rôle, comme on vient de le dire, d’orienter et
d’éclairer l’existence, peut-on affirmer que c’est là aussi ce que peut faire
le scepticisme ?
On raconte qu’un jour Pyrrhon, le fondateur de cette
doctrine, était sur le point de se jeter dans un ravin prétendant que rien ne
prouvait que ce ravin existât ! Bel exemple d’incapacité du scepticisme à
fonder une foi capable de guider dans la vie.
Conclusion ? Voici celle que je veux bien retenir :
Oscar Wilde ne nous présente pas le véritable visage du scepticisme lorsqu’il
en fait une origine de la foi. Mais alors qu’on applique la même règle à toute
foi : qu’on exclue toutes celles qui obscurcissent notre vie au lieu de
l’éclairer. Ça va
faire de la place.
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