Sur Internet il suffisait d’inscrire un mot clé pour
voir déferler des milliers de sites , livrant en désordre des bouts de phrases
et des bribes de textes qui nous aspiraient vers d’autres dans un jeu de piste
excitant, une trouvaille relancée à l’infini de ce qu’on ne cherchait pas. Il
semblait qu’on pouvait s’emparer de la totalité des connaissances, entrer dans
la multiplicité des points de vue jetés sur les blogs dans une langue neuve et
brutale. S’informer sur les symptômes du cancer de la gorge, la recette de la
moussaka, l’âge de Catherine Deneuve, la météo à Osaka, la culture des
hortensias et du cannabis, l’influence des Nippons sur le développement de la
Chine, — jouer au poker, enregistrer des films et des disques, tout acheter,
des souris blanches et des revolvers, du Viagra et des godes, tout vendre et
revendre. Discuter avec des inconnus, insulter, draguer, s’inventer. Les autres
étaient désincarnés, sans voix ni odeur ni gestes, ils ne nous atteignaient
pas. Ce qui comptait, c’est ce qu’on pouvait faire avec eux, la loi d’échange,
le plaisir. Le grand désir de puissance et d’impunité s’accomplissait. On
évoluait dans la réalité d’un monde d’objets sans sujets. Internet opérait
l’éblouissante transformation du monde en discours. Le clic sautillant et
rapide de la souris sur l’écran était la mesure du temps.
Annie Ernaux – Les années
Ami surfeur, ce texte est pour vous!
Certes il est un peu long mais avouez qu’il faut quand
même ça pour rendre justice à votre pratique solitaire et délicieuse de
l’Internet.
Il est inutile de revenir sur l’énumération de tout ce
qu’on peut faire au gré de ces errances, la part de hasard et de rencontres
jouissives car improbables. Nous éviterons même d’évoquer ces sites de vente où
vous refilez vos cadeaux à peine déballés : car c’est mal.
Nous serons par contre plus attachés à la leçon
philosophique énoncée dans ce texte : On
évoluait dans la réalité d’un monde d’objets sans sujets. Ça c’est
fort ! Si on ajoute que la prouesse d’Internet est de transformer le monde
(et les rapports humains) en pur discours (1), alors on comprendra que ce qui
est parfois dénoncé comme faiblesse du réseau est en réalité sa force.
Nous renforcer comme sujet désirant et nous débarrasser
de l’encombrement des autres.
Houlà ! Certains vont crier très fort : « Mais
c’est une pratique masturbatoire ! »
Ben oui – c’est normal, puisqu’Internet nous
permet de tout acheter, des souris
blanches et des revolvers, du Viagra et des godes,
Les autres diront que – quand même ! – on y fait
des rencontres qui égalent bien en richesse celles qui nous attendent au coin
de la rue. Certes ; mais avouez quand même que vous y mettez pas mal de
votre imagination. Voire de fantasme.
o-o-o
Je relis ce billet : on a l’impression que je ronchonne
contre les nouvelles relations nouées dans la blogosphère. Pas du tout !
Dans la réalité aussi nous fantasmons, sauf que ceux sur qui nous le faisons
risquent bien de nous décevoir un jour ou l’autre. Eh quoi ? Même si les
gens que j’aime ne sont pas exactement comme je les imagine, faut-il donc que
j’en sois avisé ? Alceste est lucide et il part se réfugier dans un
désert… où il n’est même pas connecté !
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(1) Oh ! ces bisous, tendres baisers etc. que nous
échangeons avec nos relations virtuelles, sans même penser à quoi ça pourrait
ressembler – Et alors ? Un baiser de
discours ne peut-il parfois être supérieur à un baiser dans le cou ?
1 comment:
history sgodutepreceding exmsalun baiser de discours est surpérieur à un baiser dans le coup. dans les soirées où je ne vais plus et beaucoup à reculons , les gens nous expose leur masturbations en direct car plus ils ont de voyeurs autour plus ils jouissent de leur Ipod, alors que je consulte seule c'est plus concentré et délicat enfin eux aussi avec vous ils sont hyper concentré vous vous demandez comment il peuvent faire car avec les gens ils sont absents.
vous venez presque de me fournir l'argument de mon absence à mon invitation du 31 très beau billet cher Philosophe . je vous embrasse aussi sur la joue;
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