Thursday, July 16, 2015

Citation du 17 juillet 2015

Tu diras, « Il y a quelque chose qui ne va pas. Je le vois. Qu’est-ce que c’est ? » Il sera stupéfait et il dira, « Comment tu le sais ? »
DF Wallace - The Pale King

Wallace imagine cette phrase adressée à n’importe qui, un quidam, un inconnu (cf. Texte en ligne ici). On pourrait hausser les épaules et dire : « Oui, c’est comme celui qui met dans les boites à lettre de ses voisins un bout de papier anonyme sur le quel est écrit « Fuyez, tout est découvert » et qui prétend déclencher une débandade généralisée.
En réalité, le propos de notre Citation-du-Jour est beaucoup plus édifiant. Oui, en nous tous il y a quelque chose qui cloche. Quelque chose comme une alarme qui retentit au fond de nous, et qui, au mieux, se trouve assourdie et étouffée par la vie qui va. Façon de dire que la pureté des états d’âme n’est rien qu’un équilibre subtil, quelque chose d’adynamique, résultat de tendances contraires qui se neutralisent provisoirement. Finalement quand Freud parlait de l’ambivalence des sentiments, il ne disait rien d’autre. Le pur amour que vous éprouvez pour cette femme que vous aimez tant n’existe que parce que, pour elle, vous avez refoulé toute la haine qu’elle vous inspirait.
En général, quand on dit ça aux gens, ils ont une réaction totalement inverse de celle signalée par Wallace – ils vous disent : « Tu es absurde ! non seulement je l’aime plus que ma vie, mais si je devais en même temps souhaiter l’étrangler de mes propres mains, plus rien n’aurait de sens. Je crois que toi, avec tes « certitudes », tu ne fais que violer la vérité juste pour me déstabiliser. »
Bon – ne nous fâchons pas. De fait, tout cela fait référence à quelque chose de beaucoup plus essentiel et général : ce qui ne va pas en nous, c’est qu’on ne parvient pas être en accord avec nous-mêmes, que notre lutte contre nous-mêmes n’a jamais de fin, bref qu’elle nous est consubstantielle. Là encore, Freud l’a dit très clairement : le conflit est interne avant d’être externe. Il commence à l’enfance du petit Œdipe, lorsque nous nous sommes identifiés à celui dont l’amour était le plus essentiel, c’est  à dire notre Père – ou un substitut quelconque. Etre à la fois l’amant et l’objet aimé, quel pied ! (1). Sauf que ce couple n’est jamais en paix, et  que si l’un reproche à l’autre de ne pas l’aimer suffisamment, l’autre répondra qu’il ne sait pas se rendre aimable.
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(1) L’Œdipe féminin est l’objet de bien des débats. Il n’en reste pas moins que s’il ne comporte pas comme pour le garçon un effet d’identification, il n’en est pas moins un désir d’être désiré – c’est à dire désirable.

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