Ce que tout homme d'une certaine nature, plutôt écartée que
supérieure, garde avec le plus de vigilance, c'est le secret de son âme et des
habitudes intimes de ses pensées. J'aime ce Dieu Harpocrate, son index sur sa
bouche.
Maurice
de Guérin Journal, lettres et poèmes – Edition 1865
Commentaire
II
Commentant cette citation (le 18 juillet), j’écrivais « il est
terrible de devoir garder un secret » car c’est un effort voué à l’échec
de l’aveu. Mais voilà que Maurice de Guerin affirme qu’au contraire il y a au
moins un secret qu’on ne livre jamais : c’est celui de notre âme et des habitudes intimes de
ses pensées. C’est ce qu’on nomme le « for intérieur », celui qui
produit en nous bien des pensées que
nous ne livrons effectivement jamais, quel qu’en soit la raison.
Oui, ces pensées demeurent secrètes, elles sont l’expression
de l’intimité que nous ne consentons jamais à confier : l’idée d’en faire
confidence n’est pas forcément insoutenable, mais elle est au moins incongrue.
Et si jamais l’amour pénètre dans notre
âme, on le reconnaitrait à ce qu’il viole ce principe en faveur de notre
bienaimée : elle seule peut jeter un regard sur ces tréfonds obscurs.
Quelles sont ces pensées ? Ce à quoi on songe le plus
immédiatement, ce sont les fantasmes. D’ailleurs en confiant nos pensées
intimes à notre bienaimée nous prenons le risque qu’elle se sauve en
courant ! Mais il n’y a pas que ces images un peu choquantes ; il y a
toutes ces pensées qui seraient inappropriées si nous les communiquions à
l’extérieur, toutes ces représentations, jugements, sentiments qui prospèrent
dans les replis de notre conscience et qui nous apportent un plaisir doux et
confortable. Tout n’est pas forcément choquant en eux ; mais s’ils restent
secrets c’est que nous ressentons qu’ils n’ont rien de commun avec le monde qui
nous environne, qu’ils y paraitraient ennuyeux, décalés, sans intérêt pour les
autres.
J’ai trouvé quelque part cette question : les fantasmes
sont-ils nécessairement choquants ? Pour ma part, je crois que ce n’est
pas nécessaire, mais qu’on ne peut pourtant les raconter valablement : ils
restent secrets parce qu’il n’y a pas d’oreilles pour les écouter valablement.
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