La frontière,
c’est le lieu qui met de la distance dans la proximité.
Anne-Laure Amilhat-Szary (Libé du 4/7/15 –
p.23)
De la distance dans la proximité : admirable formule qui confirme qu’on
devrait lire plus souvent les géographes !
Car l’idée
est vraiment éclairante : les vraies frontières sont seulement celles qui
sont près de nous, juste là, celles qui bordent notre territoire – et le
phénomène de l’immigration nous en donne chaque jour la preuve. Ainsi, il y a
bien des frontières en Birmanie en Malaise, en Indonésie. Mais existent-elles
pour nous ? Pour nous elles restent des abstractions, même quand de
malheureux réfugiés tentent de les forcer en venant s’échouer sur ces lointains
rivages (1).
Traditionnellement,
depuis la fin des Grandes invasions, nous n’avons connu que des vagues
migratoires venues de l’autre côté de nos frontières : Pologne, Irlande, Italie,
Espagne, Portugal. Et Algérie ? Et Maroc ? Oui, voilà :
aujourd’hui, avec les moyens de transports modernes, beaucoup de frontières
lointaines se sont en quelque sorte rapprochées de nous, et cette proximité
territoriale nous pose à présent bien des difficultés. La mondialisation n’est
pas seulement économique, elle ne concerne pas uniquement la circulation des marchandises :
elle concerne aussi celle des hommes.
o-o-o
Ajoutons
encore une remarque : la distance dont parle Anne-Laure Amilhat-Szary
n’est bien sûr pas seulement spatiale, elle est aussi sociale. Il s’agit de la
différence qu’on établit entre nous et les autres – les quels autres n’ont la
possibilité de franchir notre frontière que si nous y trouvons avantage. Mais
justement : nous y trouvons un tel avantage que la fermeture totale et
définitive de nos frontières serait la mort assurée pour notre pays : le
Rideau de fer, de bambous, le mur de Berlin, l’ont démontré. Nos frontières
sont à notre société ce que notre peau est à notre organisme : protection indispensable
à la survie, elle doit pourtant assurer les échanges avec le milieu
ambiant : une peau rendue étanche et c’est la mort assurée. (2)
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(1) L'Indonésie,
a annoncé avoir remorqué hors de ses eaux territoriales un bateau transportant
des centaines de migrants, estimant que cela n'était « pas le problème » de
Jakarta.
(2) Rappelez
vous la mort de la pauvre James-Bond girl dans Goldfinger : elle périt le
corps entièrement recouvert d’or. Filons la métaphore, et gare au
protectionnisme !
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