Suicide de Judas ? Par remords ? Ou parce que trahir Dieu,
ce n'était donc que cela ?
Marcel
Arland – Carnets de Gilbert
La
religion est ce qui permet de dominer le doute. Mais encore faut-il douter
avant d’éprouver le bienfait de la confiance et de la foi. Tentons l’aventure.
Ainsi
du suicide de Judas, raconté par Matthieu (27, 1-10 qu’on lira ici). Car ici,
rien n’est opaque ni douteux, rien qui jette le trouble – sauf peut-être le
fait que cet argent maudit (= les 30 deniers) soit consacré à l’achat de terre
pour la sépulture des étrangers.
- Mais
voici Marcel Arland. Et si, nous dit-il, Judas se suicidait par
désespoir : trahir
Dieu, ce n'était donc que cela ? Judas a voulu affronter Dieu, le
défier en faisant que Son Fils soit mis à mort de façon ignominieuse. Il
faudrait être Camus pour décrire le désespoir de cet homme qui, porté par une
telle haine et une telle soif de Gloire, bombe le torse pour mieux s’exposer à
la foudre divine – et s’aperçoit que rien ne se passe, que la crucifixion du Fils
de Dieu n’est rien de plus qu’un fait divers, et que Jésus est mort en criant
« Mon Dieu ! Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Doute inepte ! Toute l’histoire du christianisme est là
pour le dissiper : le crucifixion est l’acte fondateur de la Nouvelle
Alliance. Comment un tel événement pourrait-il reposer sur une illusion ?
De plus il faudrait pour y céder refuser la foi en Dieu – en un Dieu juste ;
en un Dieu d’amour. Cela seul pourrait expliquer son indifférence devant le supplice
de Jésus.
Oui, c’est cela : quand Jésus est mort, la terre n’a
pas tremblé – c’est un fait. Le ciel ne s’est pas déchiré, le tonnerre n’a pas
retentit. Alors, il faut croire que Dieu existe, que Jésus est bien son Fils –
mais que les actes des hommes lui indiffèrent totalement, un peu comme les
Dieux d’Epicure qui ont bien autre chose à faire que de se préoccuper de
l’humanité.
Il y a bien un Dieu. Mais nous sommes comme ces pauvres enfants
abandonnés sur les marches de son église : seuls et sans protection.
Ah… vous frissonnez ! Alors, c’est que vous avez
compris Judas.
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