Tuesday, July 28, 2015

Citation du 29 juillet 2015

Mieux vaut comprendre peu que comprendre mal.
Anatole France – La révolte des anges (1914)
La formule d’Anatole France est relativement banale : la science commence le jour où on renonce à prétendre tout expliquer, et qu’on accepte de ne plus poser certaines questions (telle que : pourquoi ceci, pourquoi cela – ou encore : quelle est la cause première des choses ?). Mais on peut aussi contester cette affirmation : car, comprendre peu, n’est-ce pas aussi et nécessairement comprendre mal ?
C’est Pascal qui a mis en lumière le principe contraire (1) : tant qu’on ne connaitra pas tout, on ne comprendra rien, car, qui peut dire avec certitude si ce qu’il vient de comprendre ne sera pas démenti par une nouvelle découverte, qui apparaitrait un peu plus tard, à un niveau plus élevé d’appréhension du monde ? A part les mathématiciens, qui donc peut répondre à coup sûr qu’il est certain de la validité de son énoncé ? Et encore, ces mathématiciens sont obligés de prendre bien des précautions pour déclarer – par exemple – qu’une succession de chiffre est aléatoire.
C’est l’acquis de la science à partir du 16ème siècle de nous avoir persuadé qu’il est au contraire inutile de sonder l’univers jusqu’à ses confins pour établir ses lois : Newton peut nous affirmer que la gravitation universelle obéit à des lois qui sont partout valables ; Einstein peut aussi nous confirmer que c’est exact, sauf à ajouter un correctif tel que la mise en relation de l’espace et du temps ; il n’en reste pas moins que ce qui est vrai ici, est également vrai sur Aldébaran.

Donc jetons aux orties Pascal et son mépris de la raison humaine ? Préférons-lui Descartes ?
Peut-être, en tout cas c’est ce que nous faisons couramment. Avec toute fois une restriction : comprendre n’est pas toujours aussi simple qu’on le croit. Par exemple, la physique quantique nous pose bien des problèmes. La rupture entre la compréhension des corpuscules et celle des objets qui nous environnent met notre raison au défi : dès que je compare le corpuscule à une boule de billard, alors c’est fichu. La rationalité de cette physique est à chercher dans les équations mathématiques mais on conserve le principe scientifique d’universalité : à l’échelle corpusculaire, la rigueur de ses énoncés s’applique à tout l’univers ? Normal : les photons qui éclairent mon clavier sont nés il y a 13 milliards d’années dans l’étincelle originelle du big-bang, du coup ils sont absolument identiques partout dans cet univers.
Parce que, s’il existe d’autres univers…
----------------------------------------

(1) Voir ce fragment des Pensées (n°72 Brg)

No comments: