Monday, July 20, 2015

Citation du 21 juillet 2015

L'enlisement, c'est le sépulcre qui se fait marée et qui monte du fond de la terre vers un vivant. Chaque minute est une ensevelisseuse inexorable. Le misérable essaye de s'asseoir, de se coucher, de ramper ; tous les mouvements qu'il fait l'enterrent ; il se redresse, il enfonce ; il se sent engloutir ; il hurle, implore, crie aux nuées, se tord les bras, désespère.
Victor Hugo – Les Misérables Tome V, livre III, chapitre 5
La ventouse selon Victor Hugo II
(Victor Hugo nous parle aujourd’hui des sables mouvants qui aspirent la victime par les pieds, un peu comme le ferait une ventouse.)
Jean Valjean fuit la police dans les égouts de Paris. Soudain il sent sous ses pieds la vase : comme dans les sables mouvants, il risque de s’y enfoncer et d’y périr étouffé.  Victor Hugo nous raconte alors la mort qui attend l’imprudent qui s’est risqué sur un banc de sables d’une plage bretonne. Mais si ce texte nous transit d’effroi, ce n’est pas seulement par la force et la profusion des détails, c’est par l’ignoble mort qu’il décrit. Oui, on peut mourir étranglé en luttant contre son étrangleur : mort violente, mort héroïque. On pourrait aussi périr étouffé entre les seins d’une femme : mort soyeuse, mort parfumée. Mais voilà qu’on périt dans les sables mouvants – pire encore : dans la fange des égouts dont ces sables ne sont qu’une métaphore.
Les sables mouvant aspirent la victime qui peu à peu est non seulement enveloppée mais investie : c’est par sa bouche, à l’intérieur d’elle même que ces sables s’installent, que la mort progresse. On pense du coup à la tragique fin de Socrate : le poison qui l’envahit tue peu à peu son corps en commençant pas les jambes. Quand le froid de la mort atteint le cœur, Socrate n’est plus.

La mort nous aspire, la mort nous suce, la mort nous vide. On meurt peu à peu, à petit feu, sans cri, sans violence – d’ailleurs la lutte ne sert à rien, d’ailleurs elle fait partie de l’invasion, comme nos pieds qui, en cherchant à s’extraire des sables mouvants, s’y enfoncent encore plus vite.

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