Cette immodération, cette désobéissance, cette révolte de
l'esprit humain contre toute limite imposée soit au nom du Bon Dieu, soit au
nom de la science, constituent son honneur, le secret de sa puissance et de sa
liberté.
Bakounine
– L'empire knouto-germanique (Lire le texte ici)
Le refus des limites, qu’elles soient imposées par Dieu ou
par l’homme est trop connu chez Bakounine pour qu’il soit nécessaire d’y
revenir.
Toutefois, voilà qu’en relisant sa phrase on sursaute :
même la limite imposée par la science
doit être refusée au nom de la liberté et de l’honneur d’être un homme. Y
a-t-il des limites que la science nous imposerait et que nous pourrions espérer
franchir ? La limite de la vitesse de la lumière ? Celle de la connaissance
de l’instant qui précède le big-bang ? Ou plus simplement de connaître
simultanément la position et la vitesse d’une particule ? Ou encore de
savoir si le chat de Schrödinger est vivant ou mort ?
Il y a un principe que Comte a posé et qu’à ma connaissance
aucun scientifique n’a jamais mis en cause, c’est qu’il y a des questions
auxquelles un savant doit savoir renoncer. La première de toute est la question
« Pourquoi ? »,
dévolue à la religion ou à la métaphysique. Oui, si nous restons sur le terrain
scientifique, nous ne pouvons pas demander pourquoi la vie est apparue sur
terre ; on nous dira peut-être : « La vie est apparue sur terre
parce qu’elle était possible ». Oui, mais ce savoir, s’il est
scientifique, doit obéir à des lois ; ce savoir n’est donc pas un savoir
du possible, mais du nécessaire. Plus simplement encore, la question que doit
refuser la science est celle de la finalité : Pourquoi = à quoi ça
sert ? "A quoi ça sert qu’il y ait des hommes plutôt que pas d’hommes du
tout ?" n’est pas une question scientifique.
Alors il est vrai qu’il n’y a pas de limites imposées à la
science par un pouvoir quelconque, qu’il soit religieux, philosophique ou
politique. C’est à la science de dire quelles sont ses limites, sachant qu’il
s’agit de limites de la théorie et non de celles de la pratique. Je veux
dire : dès lors que le savoir inclut un pouvoir, les limites de l’un et de
l’autre ne se recouvrent pas forcément. Par exemple : la biologie nous
enseigne ce que sont les gènes et comment notre génome est organisé. Du coup
nous avons le pouvoir de le modifier. Nulle science ne nous dira si l’on a le
droit de le faire. On est même persuadé que, dès lors qu’on sait le faire,
alors on le fera tôt ou tard.
On fera quoi ? Des hommes à quatre bras ? A deux
têtes ? Ou avec mille milliards de neurones en moins, parce que pour faire des ouvriers ça suffira bien – vous
savez, pour organiser les castes, comme dans Le Meilleur des mondes…
No comments:
Post a Comment