Sunday, February 07, 2016

Citation du 8 février 2016

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires
Montesquieu Esprit des lois (Livre 29 chapitre 16)
Cité par Cécile Duflot à l’Assemblée Nationale le 5 février 2016
(Débat sur le projet de réforme constitutionnelle portant création de la déchéance de nationalité pour tous)
Il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante.
Montesquieu – Lettres persanes (lettre 79) (1)


On a beaucoup cité Montesquieu ces temps-ci et l’on a raison : légiférer suppose qu’on ait l’idée de ce qu’est une loi, de ce qui la fonde et de la portée qu’elle doit avoir. Et c’est d’autant plus nécessaire qu’en modifiant (comme on se le propose aujourd’hui) la constitution on doit être conscient de la hiérarchie des lois et de ce qui distingue la loi qui fonde de la loi fondée.
Toutefois sans entrer dans ces arguties juridiques, on doit garder présents en mémoire les principes généraux sur les quels Montesquieu s’appuie ici et que l’on rappelle dans nos citations-de-ce-jour.
1 - D’abord, on ne change pas les lois sans un motif sérieux et incontournable.
Pour Montesquieu nous vivons dans un monde dont l’histoire constitue un répertoire de situations possibles et non la description d’une évolution irréversible : du coup, les lois sont pratiquement inamovibles. Une fois énoncées et calées sur la réalité sociale visée, inutile et donc dangereux de la modifier ; seules des révolutions le justifieraient et on sait que Montesquieu n’est pas l’homme de tels bouleversements.
2 - De plus, modifier les lois, c’est les affaiblir en donnant l’image de décisions susceptibles de varier selon la volonté du souverain. On se rapprocherait ainsi du despotisme, régime illégitime où le despote légifère parce que « tel est son bon vouloir ». Dans le contexte actuel c’est le reproche qu’on fait à un pouvoir qu’on soupçonne de manœuvrer dans une perspective politicienne
3 - Enfin, à supposer que l’occasion s’en présente, il faut s’assurer que la loi nouvelle ne contredise pas les lois précédentes, qu’elle soit conforme à leur esprit. Du coup, il est inutile d’ajouter je crois que la déchéance de nationalité « réservée » à quelques citoyens déroge au principe républicain d’égalité de ceux-ci devant la loi – de même qu’elle déroge aux principes internationaux dès lors qu’on veut rétablir l’égalité.
Occasion de rappeler que si l’on accuse le Front National d’être antirépublicain, c’est justement parce qu’il ne respecte pas ce pacte fondamental de la République.
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(1) Plus exactement : « Il est vrai que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois. Mais le cas est rare, et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante : on y doit observer tant de solennités et apporter tant de précautions que le peuple en conclue naturellement que les lois sont bien saintes, puisqu’il faut tant de formalités pour les abroger. » Montesquieu – Lettres persanes, lettre 79

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