A travers tous les trafics, manipulations ou transmutations
génétiques de l'espèce, on est arrivé à un point de non-retour où l'on ne peut
plus déterminer ce qui est humain ou non humain.
Jean
Baudrillard – Le Monde de l'éducation – Octobre 1999
En 1999 Baudrillard pointe comme avancée extrême de la
science la suppression de la barrière qui sépare les espèces, voire même les
genres, permettant à des souris de porter des gènes humains et aux herbivores
de consommer des farines animales (d’où d’étranges maladies comme celle de la
vache folle). On en concluait que ces savants étaient des apprentis sorciers et
que, comme le docteur Frankenstein, ils seraient bientôt pourchassés et
détruits par leurs propres créations.
Mais voilà : depuis cette date, le progrès scientifique
a continué dans la même voie destructrice de frontières. Désormais c’est à la
frontière qui sépare l’homme de la machine qu’on s’attaque, avec les ordinateurs neuronaux. Je ne suis certes
pas en état de vulgariser le fonctionnement de ces étonnants ordinateurs, mais
on sait quand même que grâce à l’architecture de leurs programmes et à celle de
leurs composants, ils s’approchent de plus en plus près du fonctionnement du
cerveau humain, devenant en particulier capables d’apprentissage.
J’ai déjà attiré l’attention sur la question du rapport
machine/pensée avec l’exemple de la Pascaline
datant 1642 (1). Aujourd’hui on peut je crois généraliser la thèse : la
science progresse en sautant les frontières et probablement en les effaçant du
même coup. Les modifications génétiques n’en sont qu’à leurs premiers
balbutiements ; il adviendra un jour où on parviendra à rendre les singes
capables de parole, de pensée – et puis viendra un jour où des hommes lassés de
rendre les machine semblables à eux s’efforceront de devenir eux-mêmes des
machines, cessant d’être vivants pour accéder à l’immortalité.
C’est de la science-fiction direz-vous ? Pour le moment,
oui – mais avouez que c’est un horizon vers le quel nous sommes déjà tournés.
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(1) « La machine d'arithmétique fait des effets qui
approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux ; mais elle ne
fait rien qui puisse faire dire qu'elle a de la volonté, comme les animaux. » -
Blaise Pascal Pensées - N° 627 (Le Guern) Lire ici.
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