Si nous ne
voulons pas être une société de moutons domesticables et manipulables par
toutes les formes de pouvoir, y compris celui de la science, il faut défendre
la littérature.
Mario Vargas Llosa – Le Monde de
l'éducation - Avril 2000
C’est avec
beaucoup d’humilité que j’aborde cette citation. Déjà parce que je voue une
admiration sans bornes Mario Vargas-Llosa et que je ne voudrais ni falsifier ni
affadir sa pensée ; ensuite parce que son acte de foi envers la
littérature est bien délicat à décrypter.
Car après
tout, ne faudrait-il pas plutôt vanter la liberté de réunion et d’expression
des opinions politiques ou religieuses ? Que valent-ils, les littératreux,
devant les avancées de la science ? Quelle prétention que de vouloir
maitriser le destin politique et social d’un peuple avec la plume du
romancier ?
Il y a
toutefois un auteur qui a semblé correspondre à ce romancier capable de libérer
tout un peuple, et cet homme c’est Victor Hugo. S’il a été un exemple d’opposant
au pouvoir politique, ce fut certes par ses discours politiques ; mais ensuite,
grâce à son génie poétique, il parvint à imprégner son œuvre littéraire de ses
grandes et généreuses options politiques.
« Tant qu’il existera, par le fait des lois et
des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine
civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui
est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme
par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de
l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines
régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point
de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère,
des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » Victor
Hugo – Préface des Misérables
Voilà la
réponse : la littérature donne à la pensée humaine le souffle sans le quel
rien de grand ne peut se faire. Et par rapport à elle, tout le reste paraît
petit.
Oui, c’est
peut-être cela qui compte : juché sur les épaules de Hugo, le peuple
pouvait voir que Napoléon était vraiment petit.
Et
aujourd’hui ? C’est vrai que nous avons des armées d’humoristes et de
polémistes qui s’épuisent à rétrécir les politiciens qui nous gouvernent. Mais
qui donc rabattra à leur juste niveau les Grands Patrons et les loups de la
finance ?
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