Dieu n'a pas
prévu le bonheur pour ses créatures il n'a prévu que des compensations : la
pêche à la ligne, l'amour, le gâtisme.
Jean Giraudoux – Intermezzo
Aujourd’hui,
c’est dimanche : qu’allez-vous faire, puisque vous ne travaillerez
pas ? Vous irez à la messe, pour vous confire en patenôtres avec des
grenouilles de bénitiers ? Ou vous préparez déjà les cannes à pèche et les asticots pour aller taquiner le gougeon ? Hum… J’en vois qui sont à
retaper les oreillers – ils ne vont pas se lever de si tôt. Et que vois-je,
près d’eux ? Une ravissante forme féminine qui s’étire paresseusement
laissant libre accès à ses charmes. Ça sent la grasse-mat’ crapuleuse…
Allez-y,
chers amis, allez à la messe, ou à la
pèche, ou encore faites crac-crac tant que vous voudrez. C’est dimanche, jour de compensation.
Oui, vous
avez bien lu : le bonheur étant de sortie, il n’a même pas des substituts,
il ne reste que des compensations. Dieu ou qui que ce soit a voulu que l’homme
soit heureux (1). C’est la LOI : vous méritez d’être heureux. Oui, mais Dieu –
ou qui que ce soit – n’a pas su faire que les
hommes soient heureux. Où bien, il a su faire, mais c’est nous, les
hommes qui n’avons pas su comment profiter de cette aubaine.
Bref : il
a fallu donc compenser ce manque-à-jouir et il y a un jour pour ça : le
dimanche, qui n’est pas fait simplement pour compenser le travail par le repos,
mais qui doit aussi compenser le déficit de plaisir ou de béatitude. C’est
moins bien que le bonheur ? Oui, mais nous n’y pouvons rien – et après
tout qu’importe ? Ce qui compte, c’est que ces compensations nous soient
dues, que nous puissions en profiter sans arrière-pensées de culpabilité :
tout ce que nous avons évoqué en commençant nous est dû, rien ne doit s’y
opposer sous peines de grave injustice.
Et quoi ?
J’entends qu’on veut nous faire travailler le dimanche ? Horreur ! Aux
armes citoyens !... Seulement, voilà que les arguments fournis pour lutter
contre cette loi scélérate sont des arguments moraux : s’occuper de louer
Dieu, vivre sa vie de famille etc…(1) Ça ne marche pas. Si on avait dit :
le dimanche j’honore ma femme et pour ça il me faut du temps, ça aurait quand
même eu un peu plus de poids.
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(1) Sous condition dirait Kant de bien se conduire : "Agis de telle sorte que tu mérites le bonheur"
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