Marcheur, il
n’y a pas de chemin, / Seulement des sillages sur la mer.
Antonio Machado – Proverbes et Chansons
(cf. Citation complète en annexe)
Reprenant
l’ensemble des citations que ce Blog consacre aux traces, je constate qu’elle tournent
toutes autour de la question de leur effacement : tantôt comme quelque
chose qu’il faut entreprendre (et qui est parfois impossible) ; d’autres
fois, comme ici, disant quelles n’existent pas parce que nous ne laissons
derrières nous qu’un sillage éphémère comme celui qui griffe la surface de la
mer.
L’idée que
développe Machado dans cette strophe (cf. Annexe) est bien sûr que notre
passage sur terre est on ne peut plus furtif, mais aussi que nous n’avons aucun
chemin prétracé à suivre, parce que les chemins qu’ont tracés nos prédécesseurs
se sont effacés aussitôt. Libre est notre marche, libres sont nos pas parce
que, même si nous les mettons dans des pas
plus anciens nous ne le savons pas. Bien sûr peut-être aurions nous eu
intérêt à trouver un chemin emprunté par plusieurs marcheurs avant nous :
nous saurions au moins qu’il mène quelque part. Mais être libre, c’est aussi
ça : risquer de chuter est un risque moins grand que perdre sa liberté en
la laissant végéter (Kant).
On peut quand
même critiquer cette vue : les traces existent et même elles sont l’objet
de l’histoire qui s’est donné pour tâche scientifique de les collationner et de
les analyser. Mais qu’on songe que l’histoire est consacrée aux peuples, que
les individus n’y laissent une trace justement que dans la mesure où elle s’est
inscrite dans la vie de ces ensembles innombrables d’humains. Entre les peuples
et les individus, il y a la même différence qu’entre les corpuscules et les
objets de notre environnement : les uns sont étudiés par la physique
quantique – et on n’y comprend rien ; les autres par physique de Newton et
on y comprend quelque chose – tant qu’on reste à l’échelle humaine. Le peu que
j’ai retenu de la mécanique quantique c’est une particule n’a pas de chemin
prétracé, ou bien alors qu’elle en a une infinité.
Pourrait-on
dire, en paraphrasant Max Plank : Marcheur,
il n’y a pas un chemin ; il y en a une infinité – mais tu ne les
connaitras jamais.
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Annexe. Marcheur, ce sont tes traces / Ce chemin et rien de plus;
/ Marcheur, il n’y a pas de chemin, / Le chemin se construit en marchant. / En
marchant se construit le chemin, / Et en regardant en arrière / On voit la
sente que jamais / On ne foulera à nouveau. / Marcheur, il n’y a pas de chemin, / Seulement des sillages sur la mer.
Antonio MACHADO [Proverbes et Chansons]. Lire le poème ici.
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