Citation du 8 avril 2016

- Tiens, les jours rallongent.

- Ah oui ? Pourquoi ?

Réplique de Michel Bouquet rapportée par Fabrice Lucchini.

Si l’on veut délivrer toute la saveur de cette réplique, il faut déployer les significations contenues dans ce « pourquoi ? ». On laissera de côté la réponse faisant intervenir le mouvement des planètes : d’ailleurs ce serait une réponse à la question « Comment, » plutôt que « Pourquoi ? ».--> Ici on a affaire à une interrogation sur l’utilité : « Les jours rallongent ? Pour faire quoi ? »

L’idée est frappante, choquante même : il faudrait donc que quelqu’un vienne justifier ce fait que les jours durent plus longtemps, parce que la lumière du soleil ne serait pas seulement quelque chose dont on jouirait sans y penser, mais que nous aurions quelque chose à faire pour mériter sa présence. Nul doute que le prisonnier ne puisse répondre à cette injonction, lui dont on dit qu’il est « à l’ombre ».

Nous voilà replongés dans la critique du finalisme dont nous avons parlé récemment en suivant Spinoza : ou bien le soleil obéit à un mécanisme universel et comme on l’a dit le « pourquoi ? » devient un « comment ? », ou bien il est là pour remplir une fonction : être le flambeau qui tourne autour de la terre pour l’éclairer de toute part de façon équitable. Et qu’importe la « révolution copernicienne » ? Si la terre tourne autour d’un soleil immobile, c’est exactement pareil : distribuer la lumière à tous les humains de façon égale.

« De façon égale »… ou pas ! Car si les jours rallongent chez nous c’est qu’ils raccourcissent ailleurs. Est-ce à dire que nous en avons besoin d’avantage que les autres ? Et pourquoi faire ?

--> Nous voilà revenus à la question de Michel Bouquet : reste maintenant à y répondre.

Je ne sais pas comment vous pourriez le faire ; quant à moi, c’est simple : si nous avons plus de soleil c’est pour se faire dorer les fesses un peu plus longtemps sur la plage de Pampelonne.

Et ne disons pas que c’est inéquitable, parce que nous n’avons aucun mérite à faire valoir pour expliquer ce privilège. Car d’ici à 6 mois, les jours vont raccourcir chez nous et rallonger en Australie pour permettre aux surfeurs de s’exercer plus longtemps.