A la question délétère qui s’installe dans l’espace
public : qu’est-ce qu’un
français chacun sait que n’existe aucune réponse soutenable autrement
que par la persécution des gens désignés arbitrairement comme non-français.
Alain
Badiou (1996)
Il y a tout juste 20 ans, bien avant les colloques sur
l’identité nationale, Badiou soutenait que le nationalisme sous toutes ses
formes ne servait qu’à unir un peuple en le dressant contre les autres – ceux
qui sont définis comme des étrangers : « Repérons les affreux / les
sales / les vilains et dénonçons-les comme « étrangers ». »
Ce qui fait problème, c’est que bien des penseurs du
nationalisme, tels Renan, ont perçu les choses tout autrement, en particulier
en considérant que le peuple doit s’unir autour de ses héros et non autour de
la haine des autres. Alors, sommes-nous unis contre le reste de l’humanité ou bien unis par une histoire commune ?
Et même dans ce cas, sommes-nous unis par une origine commune (Platon imaginait
que les athéniens étaient les descendants des premiers autochtones, peuple
magiquement sortis de la terre de l’Acropole) ; ou bien comme le croit
Renan, comme un peuple soudé par la reconnaissance de son histoire héroïque,
celle des croisades, de Saint-Louis ou de Jeanne d’Arc – et du Serment du Jeu
de Paume ?
Renan, justement, estimait qu’être français, c’est se dire
français, et que ce qui comptait ce n’était même pas de le reconnaître
(« La France, tu l’aimes ou tu la quittes ! »), mais de faire en
sorte que cette communauté détermine la vie de chacun – en tout cas ses projets
et son activité.
Alors bien sûr on ne va pas dire : « Ce que je
fais, je le fais pour la France ! » parce qu’on n’est tout de
même pas en guerre ! Mais quand même, on devrait songer aux effets pour
notre pays de nos choix de vie : quand le pays finance les études des
jeunes, que ceux-ci n’aillent pas vendre leur force de travail ailleurs – là où
elle sera avantageusement payée…
Ça ne vous rappelle rien ? Mais oui ! Montesquieu
qui établissait le principe de la démocratie dans la vertu du peuple, vertu
consistant à faire passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier.
« Si je savais quelque
chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la
rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et
qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais
quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou
bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je la
regarderais comme un crime. » Montesquieu – Mes pensées.
Oui, vous avez bien lu : « Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût
préjudiciable à l’Europe, … je la regarderais comme un crime. »
Les anglais devraient lire Montesquieu…
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