Monday, May 02, 2016

Citation du 3 mai 2016

La seule manière de parler de rien est d'en parler comme si c'était quelque chose, tout comme la seule manière de parler de Dieu est d'en parler comme s'Il était un homme.
Beckett – Watt
1 – La seule manière de parler de Dieu est d'en parler comme s'Il était un homme… Sacrilège ! Abomination !...
Et pourtant comment échapper à cette évidence ? Comment parler d’un être infini et absolu sans le rapporter d’une manière ou d’une autre à ce que nous savons de l’homme ? Alors on dira : oui, mais on en parle en affirmant que Dieu est bien au-delà des limites et des impuretés qui affectent l’homme : immortel au lieu de mortel, infini alors que l’homme est fini, pur alors que nous sommes impurs. Seuls les mystiques peuvent dans un élan silencieux avoir une intuition directe et pleine de Dieu – mais justement : eux, ils ne parlent pas.
2 – La seule manière de parler de rien est d'en parler comme si c'était quelque chose, tout comme la seule manière de parler de Dieu… Ah !... Le voilà le véritable sacrilège : car lorsqu’il se demande comment parler de rien, le seul exemple qui vienne à l’esprit de Beckett, c’est Dieu. Vous m’avez compris : Dieu = rien.
o-o-o
Je passerai sur cet aveu d’athéisme pour m’attacher à ce que contient cette citation. Si on ne peut parler de rien, sauf à l’identifier comme étant quelque chose, alors le problème est celui de l’imagination : n’a-t-elle pas le pouvoir d’inventer, de créer de toute pièce quelque chose qui n’a jamais existé, jamais vu, jamais entendu ? A l’époque classique (disons 17ème siècle) certains philosophes affirmaient que l’imagination ne pouvait être autre chose que le montage nouveau d’éléments prélevés sur la réalité et enregistrées réellement dans la mémoire. Toute invention est alors un peu comme celle des chimères, monstres imaginaires ayant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent.


Là dessus, on ne peut rien répondre puisque pour toute objection il est facile de répliquer qu’on fera toujours des dessins avec des couleurs réelles, de la musique avec des sons déjà entendus et que rien de tout cela n’est inventé.

Méfions-nous quand même des philosophes qui ont toujours raison, et préférons-leur ceux qui, comme les scientifiques, nous donnent le moyen de les réfuter.

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