La seule manière de parler de rien est d'en parler comme si
c'était quelque chose, tout comme la seule manière de parler de Dieu est d'en
parler comme s'Il était un homme.
Beckett
– Watt
1 – La seule manière
de parler de Dieu est d'en parler comme s'Il était un homme…
Sacrilège ! Abomination !...
Et pourtant comment échapper à cette évidence ? Comment
parler d’un être infini et absolu sans le rapporter d’une manière ou d’une
autre à ce que nous savons de l’homme ? Alors on dira : oui, mais on
en parle en affirmant que Dieu est bien au-delà des limites et des impuretés
qui affectent l’homme : immortel au lieu de mortel, infini alors que
l’homme est fini, pur alors que nous sommes impurs. Seuls les mystiques peuvent
dans un élan silencieux avoir une intuition directe et pleine de Dieu – mais justement :
eux, ils ne parlent pas.
2 – La seule manière
de parler de rien est d'en parler comme si c'était quelque chose, tout comme la
seule manière de parler de Dieu… Ah !... Le voilà le véritable
sacrilège : car lorsqu’il se demande comment parler de rien, le seul
exemple qui vienne à l’esprit de Beckett, c’est Dieu. Vous m’avez
compris : Dieu = rien.
o-o-o
Je passerai sur cet aveu d’athéisme pour m’attacher à ce que
contient cette citation. Si on ne peut parler de rien, sauf à l’identifier
comme étant quelque chose, alors le problème est celui de l’imagination : n’a-t-elle pas le
pouvoir d’inventer, de créer de toute pièce quelque chose qui n’a jamais
existé, jamais vu, jamais entendu ? A l’époque classique (disons 17ème
siècle) certains philosophes affirmaient que l’imagination ne pouvait être
autre chose que le montage nouveau d’éléments prélevés sur la réalité et enregistrées
réellement dans la mémoire. Toute invention est alors un peu comme celle des
chimères, monstres imaginaires ayant une tête de lion, un corps de chèvre et
une queue de serpent.
Là dessus, on ne peut rien répondre puisque pour toute
objection il est facile de répliquer qu’on fera toujours des dessins avec des couleurs
réelles, de la musique avec des sons déjà entendus et que rien de tout cela
n’est inventé.
Méfions-nous quand même des philosophes qui ont toujours
raison, et préférons-leur ceux qui, comme les scientifiques, nous donnent le
moyen de les réfuter.
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