Le cœur excède le
cœur.
Maylis
de Kerangal – Réparer les vivants (p.244)
(Maylis de Kerangal poursuit : « Il (= le cœur) est l’origine centrale du
corps, le lieu des manifestations les plus cruciales et les plus essentielles
de la vie. (…) Autrefois le cœur était le membrum principalissimum, le roi du
corps … placé au centre de la poitrine, comme le souverain en son royaume. »
Idem. p. 269)
Il n’est pas indispensable de revisiter la symbolique du
cœur pour comprendre ce que les transplantations cardiaques ont de troublant.
Nous avons évoqué récemment la question vue du côté du « donneur »
(cf. Post du 2 mai) ; on peut à présent envisager le sujet vu du côté du
receveur. En recevant le cœur d’un autre, est-ce qu’on reçoit « simplement »
un supplément de vie ? Ne s’agit-il pas aussi d’une partie de sa personne,
de sa psychologie, de ses émotions qui venant se bouturer dans la poitrine va
modifier la personnalité ? Dans le roman de Maylis de Kerangal, le
personnage qui reçoit ce cœur cherche à savoir qui le possédait : un homme
ou une femme ? Bien sûr les informations données sur le sujet sont
strictement contingentées, réduites à presque rien du tout, sans doute pour ne
pas alimenter les fantasmes.
Les Témoins de Jéhovah
refusent toute transplantation, comme toute transfusion sanguine parce que,
disent-ils, ce serait une forme de cannibalisme, ce qu’ils refusent absolument
(1). On hausse les épaules devant tant d’obscurantisme, mais on devrait
peut-être considérer avec plus de sérieux cette attitude. Que fait le cannibale
sinon chercher à posséder une part de la force et de la vaillance de celui
qu’il mange ? Et ferions-nous autre chose en intégrant à notre corps un organe
prélevé dans le corps d’un autre ? Alors bien sûr on n’y songe guère quand
on reçoit du sang venu d’un autre (quoique certains voudront savoir si ce sang
vient d’un bras blanc ou d’un bras noir…) ; par contre le cœur, siège du
courage et de la vaillance, le cœur, dont Platon faisait la demeure de l’âme
irascible, peut-on impunément recevoir celui qui battait dans le poitrine d’un
autre ?
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(1) On peut voir ici que cette position n’est pas exempte de
contradictions.
On a dit que Prince
serait peut-être mort d’une dose trop forte du calmant qu’il prenait depuis
plusieurs mois en raison d’intolérables douleurs à la hanche nécessitant une
opération qu’il refusait en raison de son adhésion à cette secte.
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