Quand les cons sont braves /… / Ce n'est pas très grave. /
Qu'ils commett'nt, / Se permett'nt / Des bêtises, / Des sottises, / Qu'ils
déraisonnent, / Ils n'emmerdent personne.
Georges
Brassens - Quand les cons sont braves
(Chanté ici par Maxime Le Forestier)
- Sale con !... Pauvre con !... Connard !...
L’autre jour, sur l’Acropole, un passant s’emportait contre l’homme
qui venait de le bousculer. Socrate qui se trouvait là s’est adressé à
lui :
- Dis-moi, l’ami, je t’entends dire que cet homme est un
con ; mais dis-moi : un con, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui
fait que celui-là est con et pas celui-ci ? Comment définis-tu la connerie ?
- Ah ! Socrate ! Ne fais pas semblant de ne pas
savoir ce qu’est un con, car tu en rencontres bien souvent. Tiens, pas plus
tard qu’hier, ici même tu discutais avec quelqu'un que tu traitais de gros con…
- L’ami, tu joues sur les mots – ou bien tu est sourd :
il ne s’agit pas d’un gros-con – mais
de Glaucon, le frère de
Platon : c’est tout différent. Mais encore une fois ; comment sais-tu
que cet homme est un con ?
- Tu fais l’enfant Socrate, ou bien tu te moques. La
connerie, c’est quel que chose dont on ressent l’existence chez quelqu’un avec
une telle évidence qu’il est vraiment inutile de la définir.
- Voilà une chose pas ordinaire, l’ami. Il semble que, comme
Protagoras, tu dises que les choses soient telles qu’elles apparaissent. Mais
si tel homme parait con à celui-ci et pas à celui-là, nous dirons qu’il est à
la fois con et en même temps non-con ? L’homme serait dans son
essence et ceci et son contraire ?
- En effet Socrate, je vois bien que ce n’est pas normal.
Mais tout de même, tu ne nieras pas que les cons existent bien ?
- Oui, mon bon, ils existent. Voilà ce que j’ai entendu
l’autre jour sur le marché : un aède y chantait un air de sa composition
qui disait : « Quand les cons
sont braves, ils n’emmerdent personne…Par malheur des crétins sectaires
emmerdent tout l' monde. »
- Ce chant est beau, Socrate ; mais que veut-il
dire ?
- Par Zeus, l’ami, la chose est claire. Les cons sont
partout et si on n’a pas besoin de les définir, c’est qu’il n’y a nulle limite
à leur présence : là où est l’homme, là aussi est la connerie. Seulement
vois-tu, il faut faire la différence entre le con qui ne nuit à personne : en
général, c’est celui qui n’a pas le pouvoir de le faire ; et puis le con
qui emmerde tout le monde : c’est le sophiste chef de parti, le stratège
de l’armée ; bref celui qui, en t’obligeant à lui obéir te considère comme
un rien du tout – comme celui qui vient de te bousculer.
- Mais Socrate, ce que tu dis là concerne les salauds, pas
les cons ! (1)
- Mais, mon bon, personne n’a dit que les cons n’étaient pas
aussi des salauds.
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(1) Notre homme anticipe : il faudra attendre 2500 ans
pour que Sartre théorise le concept de salaud.
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