Le passé n’est pas passé – Il n’est même pas dépassé.
Anonyme (probablement issu d’un
sujet de dissertation de philo)
Le temps est la croix du philosophe, parce qu’il doit, selon
son programme, dire quel est son mode d’existence. Ce qui, concernant le passé,
est particulièrement agaçant puisqu’il faut déjà savoir quelles sont ses
limites : qu’est-ce qui appartient au passé et qu’est-ce qui ne lui
appartient pas ?
Même si on s’en tient à cette approche, on sent combien le
passé historique comporte de points d’accroche irritants pour nos consciences qu’on
croit engagées complétement dans l’actualité. Qu’on prenne l’exemple de la
guerre d’Algérie ou même celui de l’occupation allemande, on peut constater que
pour certains l’horloge s’est arrêtée au moment du 8 mai 1945 ou aux accords d’Evian (18 mars
1962). Ce passé n’est pas passé parce
que rien n’a été résolu : ni le renoncement à l’Algérie française, ni la
nostalgie du temps du Maréchal.
Wolinski
– Vu ici
Nous aurions donc deux obligations symétriques et
contradictoires vis à vis du passé : d'une part le devoir de mémoire et d'autre part l’obligation
de tourner la page, c’est à dire d’oublier. Et ni l’une ni l’autre de ces
contraintes ne parait réalisable – ni même légitime.
Je laisse de côté le devoir de mémoire, qui mêle de façon
bancale la morale et la psychologie : les discours de nos dirigeants sont
là pour détailler le programme ! Mais c’est la même chose avec
l’obligation de continuer à vivre aux côtés de nos concitoyens qui n’ont pas
respecté les mêmes valeurs que nous : les blessures des conflits passés ont
besoin de soins pour se refermer et il n’est pas du tout sûr que le temps
puisse le faire. On peut le vérifier avec les trahisons amoureuses : on
survit certes ; mais on n’oublie jamais. Et dans l’histoire, il faut faire
comme si rien ne s’était passé, reprendre la vie courante avec le boucher
collabo ou avec l’arabe-du-coin qui fut FLN – et aussi avec le FN maréchaliste.
Or pour que le passé se referme et laisse libre passage au
flux du présent, il faudrait le pardon c’est à dire un peu de sagesse – ou
d’amour. Et ça, on ne peut pas dire que tout le monde en ait.
No comments:
Post a Comment